"Le parti d'opposition, en tant qu'appareil de gouvernement désirant parvenir au pouvoir, doit nécessairement abattre l’appareil en place, et pour ce faire il lui faut en saper les réalisations et en dénigrer les projets, même si ceux-ci sont profitables à la société."
Extrait du livre vert de Kadhafi.
La dictature fut un temps le remède temporaire à une situation de crise. A Rome, pour faire face à un danger d'invasion, de famine, de guerre civile, un dictateur était choisi parmi les sénateurs On lui confiait des pouvoirs extraordinaires pour une durée limitée. A l'issue de cette dictature librement consentie, les institutions ordinaires de la République étaient réinstallées, jusqu'à la crise suivante. (Voir précédent billet)
Mais, l'homme est ainsi fait qu'il prend goût au pouvoir et à ses produits dérivés. Le seconde phase, celle du retour aux institutions démocratiques, devient vite problématique. On érige des statues, on appose de grands portraits sur les façades, on organise des parades, on cherche à démontrer qu'en dehors du dictateur en place, il n'est point de salut. L'armée et la police, noyautées par des sbires à la solde du bonhomme, grassement dotées en armes et en subsides, deviennent les boucliers du pouvoir arbitraire en place. On s'allie une partie de la population, les riches ou les pauvres, les religieux, les propriétaires terriens, les copocléphilistes ou les avrilopiscicophiles, peu importe, une frange de la population qui devient la claque du pouvoir en place. cette frange fournit des dénonciateurs, des indicateurs, des lapideurs et des tortionnaires.
Alors, cette forteresse étatique, lourde et structurée, inébranlable, sournoise, s'installe pour des dizaines d'années. L'individu mesure sa fragilité à l'aune des murailles de l'édifice. Il longe ses murs, tête basse, pressé, humble, invisible. A l'intérieur, c'est souvent fête. Les rires, les chants, les cris orgasmiques sont étouffés par la pierre épaisse. Les hurlements de ceux qu'on torture sont, au contraire, amplifiés à dessein.
Puis, vient le jour où une opportunité de hasard, une maladresse de trop, un exemple voisin, un événement inattendu, favorisent l'impensable. L'individu devient meute. Il se rend sur l'agora et y trouve d'autres individus étonnés de leur multitude. Le dictateur n'assiste plus à des parades triomphantes mais reçoit des invectives. La main sur le cœur, il cherche une contenance mais doit se contenter de contenus de pots de chambre. Revoyez cette vidéo de Ceaucescu interrompu par les cris de haine de son peuple! Consternation, douleur, incompréhension. Comment osent-ils me traiter ainsi, moi leur père, leur ami? N'ai je donc tant vécu que pour cette infamie? (Ah non, ça c'est dans Le Cid).
Bref, au mieux l'exil, au pire la mort, attendent l'odieux individu. On le pend par les pieds, on le juge, on l'étripe, on le couvre de crachats ou on l'enterre vivant mais, au moins, on se venge. Quelle délectation après ces années d'adoration forcée!
Puis, on se trouve confronté avec la démocratie. Ah, la démocratie! Quel joli mot! Des millions d'individus sentent alors pousser, au fond d'eux mêmes, la fibre présidentielle. Tous sont capables de prendre la place du dictateur et le font savoir de manière véhémente. C'est là, plus sournoise et plus solide que la forteresse qu'on vient d'abattre que se dresse une autre bâtisse, pesante, inexpugnable, confondue dans le paysage, invisible, inattaquable, éternelle: "La bêtise humaine!". Elle a favorisé tous les excès, toutes les dictatures, les tortures, les adulations, la bêtise humaine est là! La belle unité des émeutiers se fissure, le meute se déchire, les armes s'entrechoquent de nouveau. Trogne contre trogne, les individus retroussent leurs babines et oublient toute amitié.
Alors, il faut trouver cet homme qui surnagera dans le flot des invectives, l'homme qui saura unir, fédérer. La dictature sera peut-être le remède temporaire à cette situation de crise. Bienveillante et paternelle en ses débuts, elle forcira et deviendra plus solide jusqu'à ce que: "On érige des statues, on appose de grands portraits sur les façades, on organise des parades, on cherche à démontrer qu'en dehors du dictateur en place, il n'est point de salut."
Eternel retour?
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