dimanche 20 avril 2014

Feuilleton: Le 135ème Régiment d'Infanterie dans la guerre 1914-1918. Prosnes




Les combats de Prosnes

14 septembre au 22 octobre 1914
Prosnes

La journée du 14 septembre marque la fin de la progression rapide du régiment. Les Allemands semblent décidés à stopper nos fantassins dans la région de Prosnes.
Parti, à 5H00 du carrefour de la route de Sept-Saulx à Prosnes et de la chaussée romaine située au sud du village, le 3ème bataillon traverse l’agglomération sans rencontrer de résistance mais, parvenu à la chaussée romaine nord, est soumis à un violent bombardement et à des tirs de mitrailleuses. Le 4ème bataillon étend sa ligne de feu vers l’est mais est soumis, lui aussi, à un violent bombardement.
Les deux bataillons doivent se replier. Le commandant Delétoille, qui commande provisoirement le régiment, est blessé au cours de ce recul. Arrivés aux premières maisons du village, quelques hommes sont regroupés par le colonel Eon, commandant la 36ème brigade, accompagné de deux capitaines, De la Taille et Friant. Il organise la défense des abords de Prosnes à partir du grenier d’une des maisons.
Tous font le coup de feu contre l’ennemi.
Cela vaudra aux sergent Clergeau, Lesimple et Beauvais d’être cités.
Le soir, Prosnes reste entre nos mains.  
Les jours suivants, et ce jusqu’au 21 septembre, le village subit des bombardements le régiment creuse des tranchées tout autour de Prosnes. A l’est, on trouve le 77ème R.I., à l’ouest le 68ème R.I.
Peu à peu les lignes de défense se renforcent. Il existe, à l’est et à l’ouest du village des ravins qu’on équipe. Un des bataillons relève le 68ème R.I. Un millier de réservistes arrivent.
Les deux états major, celui de la brigade et celui du régiment s’installent, ensemble, dans une maison.
Le médecin-major Azaïs soigne les blessés dans une cave située en arrière.
Un nouveau chef de corps arrive le 22 septembre, c’est le Lieutenant-colonel Maury. Il trouve son régiment installé dans ses lignes de défense, en lisière et de part et d’autre du village. Les premières lignes sont sur la chaussée romaine du nord. Les 77ème et le 90ème R.I. sont à gauche et à droite.
L’ennemi est à portée de canon. On aperçoit ses tranchées sur la côte 144. Il pilonne nos positions, de temps en temps.
Le journée du 26 septembre est marquée par une attaque ennemie sur nos
positions les plus avancées et notamment sur des tranchées creusées en avant de la voie romaine. Le pilonnage est très violent. A dater de ce jour et jusqu’au 28 septembre, l’enjeu des attaques et contre attaques, de nuit comme de jour, parfois en profitant du brouillard, va être cette chaussée romaine. Les combats sont très violents, précédés de bombardements intenses. Les hommes connaissent ces terribles attaques à la baïonnette, l’affreux contact avec un homme qu’on embroche ou qui tente de vous embrocher.


Un des copains de castor et Pollux, Louis Daraize, habitant Daumeray, est tué sur cette chaussée romaine le 28 septembre. Il venait d’avoir 32 ans.
Les français tiendront, reprendront les parcelles de voie perdues, reprendront le moulin situé à l’est du village, pris et repris, perdu, réinvesti.
Après le 28 septembre, ils vivront une longue période de combats d’artillerie. On hésite parfois à utiliser les canons sachant que l’ennemi répliquera aussitôt. On peste parfois contre l’artilleur qui réveille les bouches à feu adverses.
Le Journal des Marches et Opérations du régiment devient presque monotone :
Même situation. Quelques coups de canon seulement.
Même situation. Violente canonnade.
Même situation. Quelques coups de canon seulement.
Prosnes est désormais un des points de ce front qui va de la Suisse à la Mer du Nord. Il n’est pas encore vraiment figé mais s’enterre progressivement.
Le 3 octobre enfin, le régiment est relevé par le 68ème R.I. Il part cantonner à Sept-Saulx.
Mais le 6 octobre, il remonte en ligne au nord de Thuisy. Ce secteur n’est guère plus calme que celui de Prosnes. Il est bombardé régulièrement. Et la litanie des canonnades reprend.
Enfin, le 20 octobre, le régiment s’éloigne définitivement de ce front de Champagne et cantonne en arrière jusqu’à ce que, le 22 octobre, il renoue avec les voyages en train.
C’est à Mourmelon-le-Petit qu’il embarque, en plusieurs échelons, vers un autre enfer. Il part vers le nord ouest. En d’autres époques, ce pourrait être une destination de villégiature, les Flandres belges, la mer, les plages de sable.
Dans la réalité, il va vers une ville qui deviendra célèbre pour ses gaz. Il part vers Ypres.
Car, pendant qu’il buttait sur la ligne ultime de retraite des Allemands, issue de la bataille de la Marne, d’autres armées, d’autres divisions, d’autres soldats entreprenaient ce que les historiens appelleront « La course à la mer ».
Français et Allemands, du 14 au 27 septembre, ont tenté de se déborder par le nord.
Peu à peu, une nouvelle ligne de front, axée du sud au nord, s’est cristallisée de secteur en secteur, enterrée, fortifiée. Elle passe à l’est d’Arras qui faillit bien tomber au début d’octobre. Par l’ouest, elle contourne Vimy et Lens où des milliers de soldats ont laissé leur vie sur une célèbre colline, sous les yeux de Notre Dame de Lorette. Elle arrive à la frontière belge, à Ypres, une ville ravagée par l’artillerie allemande.
Là, cette ligne de front bifurque vers le nord-ouest et rejoint Nieuport. L’armée belge, vaincue à Anvers, a pu rejoindre les Anglais et les unités Ronarc’h puis se retourner contre l’ennemi qui n’a pu atteindre Calais.
La région de l’Yser où notre régiment se rend, le 23 octobre, n’est plus qu’un vaste charnier. Les écluses n’ont pas encore été ouvertes par les Belges mais, ce sera chose faite le 28 octobre.
On peut imaginer que les trains qui emportent le 135ème Régiment d’Infanterie ont du faire un long détour par le sud du front avant de gagner le Nord.
Court répit pour nos trois amis. Jean-Baptiste roule vers un destin tragique. Castor et Pollux se sortiront des fossés remplis d’eau de Zonnebecke mais ce ne sera que partie remise.
Dans un compartiment voisin, René Marquis, Armand Jarry, Auguste Nail et Gabriel Suzanne , des daumeréens, jouent à la belote. Avant la fin de l’année, ils auront péri dans la boue de l’Yser.
Tous pensent avoir connu le pire, ils se trompent.

Le Petit Journal titre, en première page
«  Traversée de l’Yser» : Si on s’est un peu ému de cette traversée de l’Yser, ce n’est pas que cette petite rivière constitue stratégiquement une ligne d’une particulière importance.
« Le général Von der Goltz rappelé » : On donne comme raison officielle de ce rappel la mauvaise santé du gouverneur allemand de Bruxelles qui aurait été aggravée par le surmenage.
« Les oiseux ennemis n’ont pu s’approcher de Paris » : Trois avions allemands ont encore rodé hier soir dans le région de Senlis.

2 commentaires:

Joly a dit…

J'aimerais parler de mon Grand père paternel (EMMANUEL JOLY (né le 2 septembre 1882 à Aviré) MATRICULE 580 rappelé à l'activité le 14 Aout 1914 au 135eme régiment d’infanterie composé d’Angevins et de Bretons. Lors d’un épisode de cette tragédie de la Marne, le régiment se trouve à Prosnes, pour tenir une position et lors d'une bataille acharnée contre les positions Allemandes, qui a durée plusieurs jours avec des pertes considérables, sous une pluie d'obus et de tires dans tous les sens. Il a été victime d’un éclat d’obus à la hauteur du cou et d'une grave blessure ouverte à la jambe le 25 septembre 1914.
C'était un homme simple et très discret et j’ai le souvenir de cette Histoire qu’il nous a raconté "Alors qu'il était blessé et laissé pour mort, un Allemand est venu pour lui voler son portefeuille et a constaté que mon grand père vivait encore, celui ci a alors crié aux Français qui étaient dans des tranchées de venir le secourir" Malgré son portefeuille volé il eu la vie sauve grâce à cet Allemand anonyme.
Histoire banale me direz-vous, mais quand j’étais jeune et qu'il me racontait cette histoire, j'avais un héros devant moi.
Aucune reconnaissance ne lui a été attribuée pour autant.
Si quelqu'un avait vent de cette histoire par un camarade de mon grand père, il me le signaler par email

ZABULLE a dit…

Merci pour votre contribution. Si je trouve quelque chose concernant votre grand-père, je ne manquerai pas de vous en informer.

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