J'ai pensé qu'il serait utile pour les généalogistes et les débutants en héraldique de lire la préface de l'armorial général de la France, édité en 1738 par Louis-Pierre d' Hozier. Elle éclaire sur certaine appellations, comme "chevalier", "écuyer", "dame", "demoiselle" et sur la difficulté à maintenir la tradition du blason dans des limites "raisonnables".
Pour rendre à César ce qui est à César, sachez que GOOGLE books propose cet ouvrage ancien à la lecture, ou même au téléchargement, et qu'il faut bien reconnaitre l'utilité du "travail" de cet organisme tant décrié. Une fois n'est pas coutume.
Le fait que j'aie pris la peine de transcrire ce texte permettra une recherche plus facile pour les internautes. Enfin, la beauté de ce texte m'a éloigné quelques heures des textos et autres tweets qui polluent nos chers bambins.
PREFACE
Il n'appartenait autrefois qu'à la Noblesse ou à ceux qui jouissaient de ses privilèges de porter des Armoiries timbrées d'un Casque et pour décorer ses Armes des Couronnes de Duc, de Marquis, de Comte et de Vicomte, ou du Cercle de Baron, il fallait obtenir du Prince des Lettres qui en attribuassent la permission, ou avoir des Terres érigées en Duché, Marquisat, Comté, Vicomté, Baronie, etc.
Les titres de Haut et Puissant et de Puissant Seigneur se donnaient proportionnellement à la qualité et à la quantité des Fiefs que les Gentilhommes possédaient. Le grade de Chevalier, grade personnel, et qu'on ne transmet point à ses descendants, était réservé à ceux qui, pour récompense de leurs grandes actions, en avaient été revêtus par les Souverains, ou par des Chevaliers commis de leur part à cet effet. Parmi les femmes même, celles des Chevaliers étaient les seules que l'on qualifiât du nom de Dames. Les femmes des Ecuyers ou autres Nobles étaient simplement nommées Demoiselles. Et afin qu'aucun particulier n'usurpât à son gré un rang, ou un titre qui ne lui était pas dû, les Rois d'Armes, dont les places étaient dès lors très considérables, ou, sous leur autorité, les Hérauts et les Poursuivants d'Armes, dans les Provinces qui leur donnaient le nom, étaient chargés de tenir ce qu'on appelait des Provinciaux, c'est-à-dire des registres de toutes les familles nobles et de leurs Armoiries blasonnées.
Pour prévenir même les abus qui pouvaient naître dans l'usage des Blasons, des Couronnes, des Casques, des Timbres et des Supports, ces Officiers publics faisaient de temps en temps dans les Provinces, des visites qui les mettaient en état de renouveler et d'augmenter leurs Registres. Charles VIII pourvut encore plus sûrement au bon ordre, en créant un Maréchal d'Armes, à qui il donna le pouvoir de faire peindre les Armoiries de tous les Princes, Ducs, Comtes, Barons, Châtelains, Seigneurs et autres Nobles du Royaume et de mettre leurs noms en forme de Catalogue, chacun selon son degré et prééminence.
Ces Catalogues qui, tout imparfaits qu'ils étaient, ne laissaient pas d'avoir leur utilité, furent constamment en usage jusqu'aux temps d'Henri III. Les troubles arrivés sous le Règne de ce Prince, sont l'époque des premiers désordres. La Guerre Civile ayant introduit la licence, chacun se crut en droit de tout entreprendre. Les Etats se confondirent. La Noblesse n'eut plus rien qui la distinguât du Peuple. Il aurait fallu remédier au mal dans sa naissance. Henri III périt au milieu des troubles. Henri IV, qui lui succéda, avait à conquérir son Royaume, avant que de le réformer. Il venait de donner plusieurs Edits, Déclarations et Arrêts, pour régler tous les Ordres de l'Etat et ses Peuples touchaient au moment peut-être le plus glorieux qui fut jamais pour la Monarchie, lorsqu'ils eurent le malheur de perdre ce grand Roi. Le désordre ne fit donc que croître à la faveur d'une tolérance funeste, mais presque inévitable dans des temps aussi fâcheux.
En 1614, on pensa plus sérieusement à en arrêter les progrès. Le Corps de la Noblesse, assemblé à Paris pour la tenue des Etats Généraux, représenta entre autres choses au Roi Louis XIII que "Les Armoiries étant une distinction attachée aux Familles nobles, dont le légitime usage ne peut venir que de la naissance ou de la permission du Souverain, les usurpations qu'en faisaient chaque jour les Roturiers, devaient être réprimées". Et il supplia Sa Majesté "de créer en titre d'Office un Juge d'Armes, qui dressât un Registre universel de tous les Nobles et de leurs Armoiries, afin que chacun y étant inscrit suivant sas qualités et ses titres, personne ne pût à l'avenir prendre d'autres Armes ni d'autres qualifications que celles qui auraient été registrées dans le Catalogue général.
Sur ces présentations, Louis XIII créa à sa suite un Conseiller-Juge général d'Armes, qu'il voulut être de qualité noble. Il lui donna la commission de travailler au Registre que demandait la Noblesse, lui attribua toutes les fonctions et toutes les prérogatives qu'avaient eues autrefois les Rois et les Hérauts et les poursuivants d'Armes. Il les expliqua même, ces fonctions, en le chargeant de maintenir l'ordre entre les distinctions de la Noblesse, d'empêcher l'usurpation des armoiries, des titres et des marques d'honneur et en lui accordant non seulement le pouvoir de connaître à l'exclusion de tous les autres Juges et Officiers, des différents qui pourraient s'élever à ce sujet entre les particuliers, mais encore toute juridiction sur les recherches, les poursuites et les Catalogues qui le feraient, tant des Nobles du Royaume que de leurs Armoiries, sauf l'appel de ses jugements au Tribunal des Maréchaux de France.
Cet établissement dont plusieurs Princes de l'Europe se sont fait gloire de suivre le plan, ne pouvait que produire un grand bien. C'est aussi ce que la Noblesse s'en était promis. Cependant toutes les prérogatives accordées au Juge d'Arme, ne furent alors que des titres d'honneur. Les premiers que le Roi pourvut de la Charge, firent peu de chose pour la réformation des abus, peut-être effrayés par la grandeur du travail que demandait un établissement de cette nature, ou intimidés par ceux qu'ils étaient en droit de dépouiller de leurs injustes usurpations.
feu M Colbert forma le dessein d'achever l'ouvrage, suivant les vœux de la Noblesse. Le projet était digne de ce Ministre. Louis XIV donna sur son rapport plusieurs déclarations et Arrêts, pour faire des recherches dans la vue de former le Catalogue de Nobles. Il envoya des Commissaires dans les Provinces, les recherches furent commencées mais les besoins pressants de l'Etat ayant obligé le ministère de mettre en traité le produit des recherches, on ne retira pas de ce projet tous les avantages qu'on en avait espérés.
Louis XIV prit encore diverses autres mesures pendant le cours de son Règne. Il supprima la Charge de Juge d'Armes et créa une Grande Maîtrise générale et souveraine des Armoiries. Il donna en même temps des ordres pour travailler à un Armorial général, dans lequel on devait remplir le dessein qui avait été autrefois proposé à Louis XIII. Mais les Offices qui devaient former la grande Maîtrise des Armoiries, n'ayant pas été levés, le Roi révoqua l'Edit de création et rétablit, quelques temps après le Juge d'Armes dans toutes les fonctions de sa charge. Et comme quelques particuliers avaient négligé de faire mettre leurs Armoiries dans les Registres publics, s'imaginant sans doute que la suppression de l'Office du Juge d'Armes les avait dispensés de ce devoir, Sa Majesté ordonna par un Arrêt de son Conseil:
"Que personne ne pourrait porter des Armoiries timbrées, si elles n'étaient pas auparavant réglées et enregistrées par cet Officier. Qu'il ne serait expédié aucunes Lettres, soit de Noblesse, soit de mutation de nom ou d'Armes etc..;sans cette clause. Que l'on ne vérifierait ces Lettres dans aucune Cour supérieure, à moins que les particuliers auxquels elles auraient été accordées, n'eussent obtenu l'acte de règlement et d'enregistrement du Juge d'Armes de France pour être attaché sous le contreseing de la Chancellerie et que le Juge d'Armes réformerait, lorsqu'il en serait requis, les Armoiries mal prises ou mal expliquées dans l'Armorial général."
Un tel Arrêt aurait dû, à ce qu'il semble, proscrire pour toujours les usurpations des Armoiries, cependant on ne saurait croire jusques à quel point les abus se sont multipliés de nos jours. Les Roturiers s'arrogent des Armes sans aucun droit.
Pour peu de conformité qu'ils trouvent entre leurs noms et ceux de quelque Famille noble, ils prennent le même symbole de Noblesse. Souvent ils chargent leurs Ecussons des Couronnes, des ornements et des autres marques d'honneur réservées aux personnes du premier rang. Il y a plus: l'usurpation des qualités suit celle des Armoiries. La Noblesse elle même se soustrait assez communément aux anciennes règles. Quelque constant qu'il soit que tout Noble n'est qu'Ecuyer, jusqu'à ce qu'il ait plu au Roi de l'honorer d'une qualité sur éminente, on paraît aujourd'hui dédaigner ce titre, pour recourir à des qualifications aussi vaines qu'illégitimes. C'est être modéré que de se contenter du titre de Chevalier, quoique l'on doive savoir que personne n'est Chevalier par la naissance et qu'on ne peut tenir cet honneur que de la grâce particulière du Souverain.
Il est donc nécessaire de réprimer des excès si opposés au bon ordre. Le gloire du prince y est intéressée et l'honneur de la Noblesse le demande. Mais comment venir à bout d'une si grande entreprise? Le ministère attentif jusqu'aux moindres parties du Gouvernement et jaloux de faire revivre les sages Ordonnances de nos Rois, a jugé que, pour réussir, il ne fallait point chercher d'autre moyen que celui qui a été employé en différents temps. C'est de rassembler dans un monument public tout ce qui concerne la Noblesse
, de distinguer les vrais Nobles des usurpateurs, de marquer, autant qu'il est possible, les commencements de chaque Famille, de suivre ses progrès et ses accroissements, en un mot, d'en constater l'état passé, présent et à venir, de façon que, quelque accident qui arrive, aucun Noble ne soit plus exposé à perdre un Titre qu'il a ou hérité de ses pères, ou mérité par sa vertu et que le Prince puisse connaître ceux de ses Sujets sur l'attachement et sur les services desquels, il a droit de compter plus particulièrement. Tel était le but des divers établissements faits en faveur de la Noblesse tel aussi le dessein du Catalogue dont le Juge d'Armes a eu l'honneur de présenter au Roi le premier Registre qu'il donne aujourd'hui sous le titre d'Armorial Général de la France.
le Juge d'Armes ose se flatter que l'on recevra favorablement un Ouvrage qui peut être regardé comme le premier fruit de l'établissement de la Charge. Selon son premier plan, il ne devait donner qu'un état précis des Familles actuellement vivantes et de leurs Armoiries mais, comme une grande partie des Nobles, en fournissant leurs Titres, ont désiré que l'on s'étendit plus au long sur l'ancienneté de leur Famille, sur leurs alliances et sur les différentes branches qui les composent, afin de s'en servir dans le besoin, on s'est prêté volontairement à ce qui a paru pouvoir contribuer au bien public. On est entré dans le détail non seulement des noms, des Armoiries, des domiciles , des dignités, des Charges, et même, quand on l'a pu, des Terres dont la possession s'est perpétuée dans les mêmes Familles, mais encore de tous les changements arrivés, soit par des alliances, soit par des substitutions qui aient assujetti à joindre à son nom et à ses Armes ceux des substituants. On a aussi réuni les traits les plus honorables et les plus curieux qui se sont trouvés dans les Titres, ainsi cet Ouvrage est proprement l'histoire abrégée de la Noblesse et le commencement de ses fastes. Les anciennes Familles qui ont subsisté jusqu'à présent avec éclat, y trouveront une voie sure de faire passer à la postérité les monuments de leur grandeur. Et les nouveaux Anoblis auront la satisfaction de voir le Public instruit des motifs glorieux qui leur ont mérité l'honneur dont ils jouissent.
S'il se rencontre des personnes qui croient qu'on n'ait pas fait remonter leur origine aussi haut qu'elle pourrait aller, soit que les Titres n'aient point été produits, soit que dans les occasions où ils ont eu à faire leurs preuves, ils se soient contentés de remplir les conditions prescrites par les Ordonnances et par les Règlements, bien qu'ils fussent en état d'aller beaucoup au delà de ce terme, on leur répond que l'exacte vérité étant la règle constante qu'on doit suivre, on s'est fait une loi de ne rien avancer que sur la vue des Titres originaux et on l'a religieusement observée mais, s'il arrive par la suite à ces personnes de recouvrer, ou de fournir des pièces plus anciennes que ce qu'on a sur leur article, on promet, en ce cas, d'en faire mention dans le cours de l'Ouvrage. C'est là que l'on renvoie aussi les différents évènements dont on aura connaissance et qui auraient été omis, faute d'en être instruit.
L'armorial général sera divisé en plusieurs Registres et chaque Registre en deux Parties, qui contiendront tout l'Alphabet. C'est la forme qu'on a crue la plus propre pour éviter les répétitions continuelles. On y fera entrer un certain nombre d'Armoiries, plus ou moins grand selon la longueur des articles. On ne peut encore fixer le nombre de ces Registres, cela dépend des Titres que la Noblesse fournira. Chaque Famille aura son article, à la tête duquel on en verra l'Ecusson gravé et au bas de l'article, on trouvera une explication des Armoiries, rendue dans des termes simples et débarrassée d'un jargon barbare, qui aurait demandé une seconde explication.
Quelques personnes auraient peut-être souhaité qu'on fit pour chaque Province un Registre particulier, tels qu'étaient ceux des Rois, des Héraults et des Poursuivants d'Armes. Mais, comme il y a un grand nombre de Familles du même nom, qui sont dispersées en différents pays et qui se transplantent tous les jours d'une Province dans une autre, selon les évènements qui les y déterminent, l'ordre général a paru le plus convenable. On a aussi par la même raison abandonné le dessein qu'on avait conçu d'abord, d'employer chaque personne en particulier avec las Armoiries. On s'est déterminé depuis à ranger sous un même Ecusson, toutes les branches fournies d'une même Famille et on n'a répété les Ecussons, qu'autant qu'il s'y est trouvé des différences essentielles, occasionnées par des Alliances ou par des Substitutions.
On a mis à la fin de le seconde partie du premier Registre, des Extraits de tout ce que les Edits, Déclarations, Règlements et Arrêts qui sont tombés sous la main, ont de plus essentiel, en ce qui regarde la Noblesse, les Armoiries et même les habillements. Lois qui n'ont point été abrogées et qui subsistent toujours, mais que l'on n'observe point, sans doute parce qu'elles sont ignorées.
A ce recueil succèdent deux Tables, l'une des Matières, l'autre des surnoms de Famille et des noms de Terres, joints aux surnoms, pour faire connaître ceux d'une même Famille qui se font annoncer dans le monde, sous des dénominations différentes.
Chaque exemplaire sera visé et signé par le Juge d'Armes de France.
Si vous vous intéressez à l'héraldique, prenez le temps, d'une petite visite à l'excellent site "Le temps des Hérauts". D'autres pistes de recherche y sont proposées.
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