dimanche 14 avril 2013

Angers vidé de ses habitants. Enceinte Gallo-Romaine

Il est difficile d'imaginer, en 2013, que la bonne ville d'Angers fut un jour totalement vidée de ses occupants. Ceux qui survécurent ne purent revenir dans leurs maisons que six ans plus tard.
Nous sommes en 867, sous le règne de Charles le Chauve. Un an plus tôt, à Brissarthe, Robert le Fort est mort sous les coups d'une troupe de pillards bretons et normands. Or, le comte d'Anjou était aussi le marquis de Neustrie, chargé à ce titre de défendre la royaume de Charles le Chauve des incursions des bretons et des vikings.
La disparition du marquis est un désastre. Ses enfants, Eudes et Robert n'ont pas dix ans. Son beau-frère, Hugues l'Abbé mettra quelques temps avant de reprendre le flambeau.
Les normands en profitèrent donc pour envahir Angers. C'était là une fameuse aubaine pour ces guerriers. Ils trouvèrent les fortifications et la situation de la ville fort agréables. On imagine ces barbares, au sens moyenâgeux du terme, quittant leurs cabanes et leurs huttes de Loire et installant leur famille dans des maisons d'artisans, de chanoines, de clercs. Réginon de Prum note que "grande fut leur joie". 
Ils réparèrent ce que, sans doute, ils avaient détruit au moment de l'attaque et, du haut des fortifications gallo-romaines, ils narguèrent pendant de longues années les Francs et les Bretons, leurs voisins immédiats.
Pour être tout à fait objectif, il faut bien voir que la ville du IXe siècle n'a rien à voir avec celle du XIe siècle. Elle se serre dans l'enceinte construite par les romains quelques siècle plus tôt. Le périmètre de cette enceinte a été situé par les historiens et les archéologues entre la Maine, la rue Baudrière, la rue Toussaint et le boulevard du Roi René. Nous sommes sur cet éperon rocheux qui domine la Maine et sur lequel Louis IX, au XIIIe siècle, édifiera l'actuel château. Un plan succinct sera plus parlant.


Je vous invite à visiter l'excellent site In situ Revue des Patrimoines pour parcourir les tours et poternes de cette enceinte. C'est passionnant.
Bref, il faudra attendre l'année 873 pour que Charles le Chauve, flanqué de Salomon, le roi de Bretagne, vienne expulser les vikings de leurs belles demeures.
Cela ne se fit pas sans mal. 
On dit que Salomon, fatigué des vaines attaques et des maladies qui ravageaient ses troupes, inventa un stratagème. Il fit creuser une sorte de canal, en amont de la Maine, pour détourner ses eaux et mettre à sec les barques des vikings. Les "barbares", bien avant que ces travaux fussent terminés, prirent peur et achetèrent le droit de quitter les lieux. Ils mirent fin à l'occupation de la cité. On situe l'entrée de ce canal vers Reculée. Il n'en reste pas de véritable trace.
Terminons ce billet par un texte de Victor Godard Faultrier, déjà rencontré en ce blog:
Ce fut vraiment un beau spectacle que la rentrée des Angevins dans leurs foyers. L'évêque Dodon avec les prélats des cités environnantes, marchait à leur tête; Charles, roi de France (sic), les mains pleines de riches présents, les accompagnait; Angers n'eut jamais un caractère plus religieux et plus national.....la foule dévote baisait les pierres saintes que des mains profanes avaient souillées....

samedi 13 avril 2013

Rénovation de la place Robert le Fort à Chateauneuf-sur-Sarthe

 Si vous traversez Châteauneuf-sur-Sarthe, arrivant de Brissarthe, vous remarquerez d'importants travaux de rénovation de la place Robert le Fort. Elle en avait bien besoin et ne manquera pas de charme quand les buis auront pris de l'ampleur ainsi que les arbres plantés sur son pourtour. La statue de Robert le Fort, du sculpteur David d'Angers, est mise en valeur par une élégante restructuration de ses abords, désormais réservés aux piétons. Les options prises par la municipalité à l'occasion de cette rénovation sont à marquer d'une pierre blanche contrairement à ce qui se fait dans d'autres villes. Nous avons hâte de voir s'ouvrir au public ce nouvel espace de stationnement qui devient aussi un espace de promenade.
Mon propos n'est pas ici de jeter des fleurs aux édiles de cette ville, bien qu'ils le méritent. Je voudrais revenir sur la vieille polémique qui existe entre ce chef lieu de canton et mon bon village de Brissarthe. Rassurez-vous, la querelle ne fut jamais sanglante et reste de pure forme. Il s'agit, ni plus ni moins, de savoir à qui appartient Robert le Fort.
Si vous entrez dans l'église Notre Dame de Brissarthe, il vous faudra aller tout au bout de la nef, entrer dans la croisée de transept puis dans le bras gauche de ce même transept pour apercevoir enfin la statue, le frère jumeau en quelque sorte, de Robert. Les brissarthois ont eu la mauvaise idée de le cacher ainsi à la vue des passants. Il aurait pourtant fière allure sur le parvis de l'église! 
Pourtant, c'est bien à Brissarthe que le comte d'Anjou fut estourbi par les Normands et les Bretons, en 866. Il y était venu pour livrer bataille à une troupe de pillards revenant du Mans et y trouva la mort.
De Chateauneuf-sur-Sarthe, nulle mention n'est faite dans les annales de Reginon de Prum et pour cause, ce n'est qu'au XIIè siècle que Séronne vit se construire le château qui changea son nom. Séronne n'était en 866 qu'un petit bourg, moins important que celui de Briserte (Brissarthe), lieu de passage important sur la voie romaine traversant le bourg.
Pourtant, quelques écrivains notoire, au 19è siècle, brodèrent une légende selon laquelle le corps de Robert aurait été transporté à Séronne.
Citons, par exemple, J.F.BODIN, en 1821, dans son livre "Recherches historiques sur l'Anjou et ses monuments":
De Brissarthe, Robert fut apporté à Séronne, chef-lieu de son comté, qui n'en est éloigné que d'une lieue, et on l'inhuma dans l'Eglise qu'on nomme encore Notre Dame de Séronne.
Notez bien que pour BODIN, Séronne est le chef-lieu du comté de Robert! Bizarre à une époque où Séronne est en Bretagne. Il faut rappeler, en effet, que le traité d'Entrammes avait donné, en 863, les terres situées rive droite de la Sarthe et de la Maine à Salomon, roi de Bretagne.

Citons aussi l'avocat V. GODARD-FAULTRIER dans l'Anjou et ses momuments, de 1839:
Il est également accrédité à Brissarthe que le corps de Robert, inhumé d'abord dans l'église de ce lieu, fut ensuite transporté à Chateauneuf, c'est à dire à Séronne....

Accrédité par qui mon cher Victor?
Il existait dans cette église, avant la révolution, une inscription sur cuivre, difficile à lire, indiquant que Robert le Fort y était enterré.

Les voleurs de cuivre sévissaient donc bien avant notre époque car, vous chercheriez vainement de nos jours la dite plaque! Bon, il est possible que Séronne ait abrité la sépulture de Robert et ajoutons ces mots de Victor Godard-Faultrier:
Laissons donc à Chateauneuf, en vertu même de ce doute, la gloire d'avoir été le berceau des Capets, ou plutôt laissons sortir de la tombe de Robert, cette tige puissante qui donne depuis dix siècles des souverains à la France.

Je ne ferai preuve d'aucun mauvais esprit à propos de cette tige puissante...
.
Le propos de Victor Godard-Faultrier fut cependant prémonitoire et je terminerai mon billet sur le souhait qu'il fit à cette époque:
 Profitons du talent de notre célèbre compatriote David........ Quelque jour, nous l'espérons, les habitants de Châteauneuf et de Brissarthe seront étonnés de voir paraître à leurs yeux le grand Robert ..... couvert de sa chemise de mailles, la hache à la main et la chevelure au vent....... Sur son piédestal, au bord de la Sarthe, il vous semblerait le voir arrêter les barques normandes et bretonnes.... (En fait, ils sont venus à cheval mon gars!)

Bon, c'est loupé pour la localisation mais le reste est bon. Vers 1910 cela donnait la carte postale ci-dessous:

Les inscriptions apparaissant sur le fronton de la Mairie habillaient un peu sa "sobre" façade. On pourrait peut-être les y remettre?
Dernière minute! Lorsque les travaux de la place seront terminés, la municipalité de Châteauneuf-sur-Sarthe s'attaquera à la rénovation du pont sur la Sarthe. La statue de Robert y figurera comme le montre cette maquette des travaux:

NB: Nous sommes en avril, pour ceux qui croiraient à cette annonce.


jeudi 11 avril 2013

Les plaques sculptées de l'église Notre Dame de Brissarthe

Parmi les mystères qui entourent la construction de l'église romane de Brissarthe, il y a ces pierres de réemploi, insérées dans le mur qui sépare la nef de la croisée de transept. Rendons à Jacques MALLET ce qui appartient à César. Je m'inspirerai fortement de son analyse pour vous en parler.
Au nombre de deux, elles sont situées au dessus d'une grande arcade de cinq mètres de large. On dirait bien qu'elles ont été posées au hasard, sans symétrie, là ou, peut-être, il y avait des trous disponibles. Bref, elles n'ont rien à faire là où elles sont.
Jacques MALLET déduit de cette position qu'elles ont été incrustées dans le mur après sa construction. Sinon, on aurait pris soin de les disposer en un endroit plus logique.
Analysons la première:
Deux personnages nous observent de leurs yeux en amande percés au trépan. Un roi, à gauche, doté d'épaisses moustaches, accoudé à ce qui pourrait être un trône. Un "soldat", à droite, doté des mêmes moustaches et portant une épée. Le roi semble être assis, contrairement à son voisin.
On notera la taille de la couronne du souverain, à moins que ce ne soit le haut du trône! Le vêtement du "militaire" est plus court que celui du roi. Ils ont la taille mince. La tunique du roi semble ornée de dessins. Dans la main gauche du personnage de droite un bouclier a été sculpté, très maladroitement. Les cheveux sont au ras des sourcils. Jacques MALLET voit des ressemblances entre cette représentation naïve et la dédicace de la bible de Charles le Chauve, ci-dessous.
On remarque, en effet, que la tunique du roi est plus longue que celle de ses serviteurs, debout à sa droite, comme sur la pierre. La couronne est à trois fleurons comme celle de la sculpture.
Voyez, également, les coiffures de ces serviteurs "soldats".

Voyons maintenant la seconde plaque:
Il semble que nous soyons en présence d'une femme. Elle en a tous les attributs. Une clé dans la main droite, une crosse dans la main gauche, c'est peut-être une abbesse. Les experts se perdent en conjectures. Certains y voient, tout simplement, Saint Pierre. D'autres y voient la copie rustique d'un ivoire.
Les pieds reposent sur un tabouret. La robe est plissée.
Le fait que la crosse soit tournée vers le personnage inspire les érudits qui y voient une abbesse, mais surtout ses volutes qui la font dater du XIe siècle.






 Il ne semble pas y avoir de moustache!

En résumé, tous le monde en reste au degré des hypothèses. Je vous renvoie au texte de Jacques MALLET.
Il vous reste à franchir le porche de Notre Dame de Brissarthe. Je vous conseille de vous assoir au quatrième rang des bancs de gauche, vers le milieu de la travée. On dit que c'est un point important de la nef. Si vos poils se dressent sur vos bras, c'est que vous êtes réceptifs aux ondes qui s'y croisent.

Si vous avez une illumination quant à l'origine des plaques sculptées de Brissarthe, laissez un commentaire...


vendredi 5 avril 2013

Jérôme Cahuzac visite un chenil de la SPA

C'est un immense chenil de la S.P.A. ( Société Populaire des Andouilles) situé aux abords d'un collecteur de vase, non loin de la déchetterie des ragots.
Une odeur d'excréments et de pisse vous accueille. Elle s'incruste dans les fissures du béton, imprègne le bois des niches fiscales. Elle poisse le brouillard.
Le bruit est infernal. Les chiens se déchaînent à gueule déployée. A l'unisson, ils aboient furieusement, la bave aux babines. Certains hurlent à la mort, la truffe levée vers les nuages bas. 
En ce jour ordinaire, le visiteur est un ancien ministre et la meute est particulièrement énervée. Hier elle s'est attaquée à un médecin urgentiste, une curée!
Tous les acteurs habituels sont là. 
Il y a ceux qui aboient sans conviction, par simple souci d'imitation, par principe. C'est la majorité.
Il y a ceux qui aboient joyeusement, ravis de cette récréation.
Il y a les chargés de mission, représentants d'un groupe, d'un parti. Ils donnent la tonalité et cherchent à couvrir les autres voix. Ceux là hurlent à la mort.
Il y a les agitateurs qui veillent à ce que la meute ne s'assoupisse pas, relancent le charivari au besoin.
Il y a ceux qui ont peur d'être assimilés à cet humain qui passe, la tête basse, près de leur grillage. Ceux qu'on mènera demain, au bout d'une ficelle, vers des endroits encore plus glauques, vers la seringue du vétérinaire. Ils déchaineront les mêmes invectives canines.

 Au loin, Zabulle, un chien libre, un vagabond, fait un grand détour par le chemin des aubépines, avec Brassens.

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