mardi 8 avril 2008

De la liberté

La France est un pays libre...
Mais, ton espace réel de liberté, toi qui me lis, quel est-il? Je vais te répondre: il est nul!
Parce que dans notre pays, et partout dans le monde, le liberté est réduite par les contingences mêmes de la société.
Ainsi, oseras-tu me dire que tu décides librement de l'heure de ton lever, de ton coucher, de tes repas?
Oseras-tu me dire que tu circules librement dans cet espace quadrillé qui est le tien?
La famille, l'école, le bureau (ou autre espace d'activité) t'ont dressé dans un cadre de lisibilité sociale, t'ont donné un statut, t'ont aliéné. Tu t'es jeté dans ce confort social par peur d'une angoissante liberté!
Ta liberté est définie par la loi. On t'a inculqué, dès ton plus jeune âge, des modes de pensée confortables. L'école, le collège, le lycée, l'université, la caserne, le mariage t'ont fourni un code très précis de l'itinéraire à suivre. Il fut jalonné de livrets scolaires, de fiches de police, d'examens de passage, de tests, de devoirs corrigés, de conseils de classe ou de régiment, d'écrits et d'oraux, de notations plus ou moins occultes, de mesures d'aptitude destinées à mesurer l'écart entre ton chemin et celui qui te fut tracé.
Plus que t'apprendre, on t'a toisé à l'aune de ta docilité. Le cadre n'était pas forcément adéquat mais il était adapté au jaugeage de ton aliénation réelle. Par exemple, tu as appris l'anglais pendant 10 ans et tu ne le parles pas encore, peu importe, tu as été noté!
Encore incrédule? Alors on continue!
Comment as-tu interprété les imbrications savantes des salles, couloirs et cheminements de ton collège (ou lycée ou ...)? As-tu eu conscience que son architecture permettait de savoir, à tout moment, où tu étais? Quand tu allais aux toilettes, avec l'autorisation expresse de ton professeur, n'as tu pas eu la sensation étrange d'être un intrus dans ces couloirs vides, dans la cour vide, dans les escaliers vides, dans les toilettes vides? Tu étais hors du flux des intercours, celui pendant lequel les élèves se croisent en troupeaux dociles et réglés. Tu en ressentais une certaine angoisse et, bien vite, tu rejoignais le troupeau rassemblé, à cet instant, dans une classe.
Imagine qu'à cet instant, tu aies traversé la cour, franchi le portail, dirigé tes pas vers la forêt, ou simplement vers la ville! Quelle angoisse! Et quelle liberté!
Plus tard, au bureau ou à l'usine, tu as suivi ces mêmes chemins, ponctués de coups de sirènes, de fiches à pointer, de repères horaires et lorsque, par hasard, tu te trouvais hors de ces normes, tu étais angoissé.
Aujourd'hui retraité, tu crois être sorti des chemins d'astreinte, tu as d'ailleurs eu du mal à te faire à cette liberté nouvelle. Et puis, tu t'es aperçu que ta liberté s'était encore restreinte. Les murs de ta maison, ou de ton appartement, se sont refermés sur toi. Les choix sont encore moindres quant au panel de chemins que la société t'avait autorisé à suivre. Ceux qui étaient liés à ton activité sont désormais parcourus par d'autres. Tes petits enfants suivent ceux de l'école. Il te reste ceux de la famille.
Pour peu que tu aies des problèmes de santé, ou des problèmes d'argent, ou les deux, tu restreindras encore plus tes circulations.
Enfin, en toute dernière limite, tu auras une dernière liberté, celle de choisir entre une boite ou l'étalement de tes cendres dans le jardin. Le vent t'emportera alors, peut-être, dans cette vraie liberté qui te fit défaut. Tu le croiras.
Mais, en réalité,
ce sera le vent qui décidera de ton chemin!
N.B: Ce texte est une pale interprétation du même sujet, traité par Miche Onfray, dans son Antimanuel de philosophie...

Liberté
Sur mes cahiers d'écolierSur mon pupitre et les arbresSur le sable de neigeJ'écris ton nom
Sur les pages luesSur toutes les pages blanchesPierre sang papier ou cendreJ'écris ton nom
Sur les images doréesSur les armes des guerriersSur la couronne des roisJ'écris ton nom
Sur la jungle et le désertSur les nids sur les genêtsSur l'écho de mon enfanceJ'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azurSur l'étang soleil moisiSur le lac lune vivanteJ'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizonSur les ailes des oiseauxEt sur le moulin des ombresJ'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'auroreSur la mer sur les bateauxSur la montagne démenteJ'écris ton nom
Sur la mousse des nuagesSur les sueurs de l'oragesSur la pluie épaisse et fadeJ'écris ton nom
Sur les formes scintillantesSur les cloches des couleursSur la vérité physiqueJ'écris ton nom
Sur les sentiers éveillésSur les routes déployéesSur les places qui débordentJ'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allumeSur la lampe qui s'éteintSur mes raisons réuniesJ'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deuxDu miroir et de ma chambreSur mon lit coquille videJ'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendreSur ses oreilles dresséesSur sa patte maladroiteJ'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porteSur les objets familiersSur le flot du feu béniJ'écris ton nom
Sur toute chair accordéeSur le front de mes amisSur chaque main qui se tendJ'écris ton nom
Sur la vitre des surprisesSur les lèvres attendriesBien au-dessus du silenceJ'écris ton nom
Sur mes refuges détruitsSur mes phares écroulésSur les murs de mon ennuiJ'écris ton nom
Sur l'absence sans désirSur la solitude nueSur les marches de la mortJ'écris ton nom
Sur la santé revenueSur le risque disparuSur l'espoir sans souvenirJ'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un motJe recommence ma vieJe suis né pour te connaîtrePour te nommer

Paul Eluard

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