jeudi 8 octobre 2009

Le Fanal bleu de Colette


Depuis quelques années je n'avais plus le goût de lire des romans. Haroun TAZIEFF, à qui je n'aurai pas l'outrecuidance de me comparer, refusait lui aussi toute autre lecture que les ouvrages scientifiques. Je m'autorisais tout au plus quelques ouvrages de philosophie et notamment ceux de Michel ONFRAY.
Je ne saurais vous dire pourquoi. La futilité de certaines lectures m'était trop apparente sans doute pour que j'y sacrifiasse le moindre de mes loisirs. Le roman, dans mon esprit, n'est que virtualité.
Puis, alors que je rangeais mon grenier, j'ai aligné sur une étagère une douzaine de livres de Colette.
J'avais, bien entendu, le souvenir d'écrits virtuoses de ce magnifique écrivain.
J'ai donc posé la main sur le premier ouvrage, je l'ai ouvert, j'ai lu la première phrase, puis la deuxième et le livre m'a suivi vers le chevet de mes nuits.
Gigi m'a accompagné une journée, puis Sido, puis cette ingénue libertine qui m'avait ému adolescent. J'ai revisité Claudine, pris mes aises dans une "Chambre d'hotel", coiffé "le képi", caressé "Mitsou" et accompli "le Voyage égoiste" de notre amie.
Tous les ouvrages retrouvés sont désormais dans mon bureau et j'en achète d'autres. je suis dans ma période "Colette". Je sais que, dans quelques semaines ou quelques mois, je sortirai de cette addiction comme de bien d'autres mais, pour l'instant, je suis comme ces fumeurs qui allument une cigarette au bout incandescent de la précédente. J'allume "la Seconde" à "la Vagabonde" et m'oublie au fil des phrases lumineuses de Sidonie Gabrielle.
Le dernier livre de Colette est un voyage immobile. Malade, elle ne pouvait plus parcourir les vignobles du Beaujolais ou les rues de Grasse mais les mettait encore en lumière, surveillée du coin de la moustache par sa dernière chatte.


Une phrase m'interpelle, comme on dit aujourd'hui:
"Je ne bouge plus, je ne bouge guère, je me berce sur mon ancre sous le fanal bleu"
Le fanal bleu était la lampe, jamais éteinte, qui brillait jour et nuit dans sa chambre, permettant sans doute de ne jamais autoriser une obscurité angoissante, propice aux cauchemars et aux trépas. La peur du noir a du survivre en nous depuis les terreurs crépusculaires de nos lointains ancêtres.
"Ceux-là qui ont médité, proches d'un feu, quand la nuit abaissée de l'autre côté de la vitre leur garantit une sûre clôture, ceux-là n'ont plus à craindre qu'auprès du feu les rejoignent le chien et le loup crépusculaires, le frisson, le sursaut."
Moi même, vieil enfant, je songe parfois à installer une veilleuse au ciel de notre lit, qui allongerait les jours pour les mettre bout à bout, sans laisser de place aux parenthèses obscures.






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