Il n'y a rien à gagner.
un souverain honni, qui observait de ses tourelles,
un peuple habillé de poussière.
Gros mangeur depuis sa naissance,
le roi dépouillait ses sujets
de tout ce qui pouvait satisfaire
son appétit.
Puis il cachait dans ses greniers,
ce que son estomac n'avait pu engloutir.
Le rusé souverain ouvrait bien ses placards,
mais c'était pour nourrir des soldats faméliques.
La troupe ainsi gardait toutes ses provisions,
assurée d'en manger quelques maigres portions.
En bas, dans les chaumières,
les souris et les rats étaient devenus rares
et bien que tous les chats aient fini en rôtis,
ils se méfiaient des hommes,
prompts à les estourbir et à les mettre en sauce.
Lorsque le roi sortait,
dans son carrosse en forme de garde manger,
il jetait aux enfants, apeurés et malingres,
quelques poignées de blé, afin qu'ils se disputent.
Les pauvres marmousets se jetaient sur le sol
et grattaient de leurs ongles cette maigre pitance.
Merci, devaient ils dire, sous peine de payer,
à coups de martinets,
ce qu'ils avaient mangé.
Tout aurait perduré, dans ce monde parfait,
si le roi ne s'était pas un peu ennuyé.
Repu de ses chapons, saucisses et brochets,
il perdait l'appétit et frôlait la déprime.
Son cuisinier Cobuse tentait bien quelques mets,
riches et raffinés,
mais le roi repoussait les plats et nourrissait
ses chiens et ses valets.
Cobuse était inquiet.
Il avait inventé des sauces et entremets,
des croûtes et pâtés, épicés et dorés.
Mais le royal convive refusait de manger.
Le médecin mandé fut perplexe longtemps et puis il déclara :
« il vous faut innover ».
Le cuisinier zélé plongea dans ses grimoires.
Il décolla des pages souillées de vieilles sauces,
il déchiffra des langues à jamais disparues.
Le soir, il s'endormait sur des parchemins gris,
et s'éveillait matin, honteux et déconfit.
Enfin, il eut un songe et partit en campagne
avec tous les soldats munis de grands paniers.
Les paysans s'enfuirent ou fermèrent leur huis
mais nul ne vint heurter sur le bois de leurs portes.
La troupe défila et disparut au loin,
dans les vallons herbeux de la forêt profonde.
Un enfant les suivit, mandaté par les gueux.
A son retour il dit « ces gens quêtent cagouille ! ».
En langage local on donne aux escargots
ce nom, qui sonne bien, puis on les écrabouille.
Le peuple s'apeura, la famine parfois
les poussait à gober les baveuses bestioles.
Si le roi les mangeait, que leur resterait til,
hormis les cancrelats et les vers de la terre.
Leurs craintes étaient fondées.
Après quelques semaines,
il ne resta plus rien de la gent escargouille.
Les hérissons eux-mêmes, ils en sont fort friands,
émigrèrent au loin faute de nourriture.
Or, c'était un gibier que le peuple pouvait
mettre à son ordinaire.
De rares les repas devinrent mensuels
et les fermiers songèrent à croquer leurs marmots.
Cobuse s'en moquait, il tenait sa surprise
et dans un lieu secret préparait un repas
dont le roi ne pourrait dire qu'il était las.
Toute la valetaille, armée de courts ciseaux,
guettait les pauvres bêtes
et quand elles sortaient leurs cornes circonspectes,
coupait au ras des chairs l'organe déployé.
Il fallut près d'un mois pour collecter de quoi
préparer plusieurs pots de ce caviar de roi.
Mais, quand le cuisinier déposa sur la table
les cornes épicées d'une huile de violette,
le roi battit des mains et de nouveau, mangea !
Or, pendant ce temps là, aveugles et souffrants,
les animaux blessés erraient dans les soupentes.
Guidés par un vieux borgne, épargné pour moitié,
ils cherchaient un moyen de regagner les prés.
Le hasard du parcours les conduisit au roi.
Il dormait bienheureux dans son grand lit de bois
et digérait béat les yeux des pauvres bêtes.
Une issue abusa le vieux guide blessé.
La troupe douloureuse y força son chemin.
En gluante mêlée elle investit la bouche,
un estomac très vaste et des boyaux profonds.
On trouva au matin le corps couvert de glaires.
Le mauvais souverain n'avait pu se défaire
de la gangue visqueuse enrobant son gosier.
Ce fut là son trépas et le peuple fêta
la fin de cet émule de Gargantua.
Et c'est depuis ce jour, qu'il faut de la patience,
pour voir enfin sortir du front de la bestiole,
deux antennes fragiles et ténues qui flageolent.
Et pour terminer cette visite en bonne compagnie allez donc sur le site de Cagouille ..... : http://cagouille.canalblog.com/
1 commentaire:
ton histoire est vraiment superbe, je la trouve excellente.
merci pour ton passage sur mon blog, je suis ravie de te rencontrer.
bizzes Zabulle
Cagouille
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