Prélude à la bataille
de la Marne
31 août au 5 septembre 1914
Joffre regroupe ses forces
Le début du mois de septembre
1914 est caniculaire. Ce sera pour tous les fantassins français, impliqués dans
une longue retraite, une suite de marches pénibles ponctuées de combats
retardateurs. Il faut noter que les fantassins allemands parcourent les mêmes
distances. Leur état d’esprit est sans doute meilleur, ils pensent marcher à la
victoire mais, le soleil est le même pour tout le monde.
Les actions des 77ème
et 135ème Régiments d’Infanterie se conforment à une stratégie
générale. A Bièvre, c’était d’abord une offensive qui s’est soldée par une retraite.
De Bièvre à Faux, puis de Faux jusqu’à la Marne et ensuite vers les marais de
St-Gond, ce fut et ce sera encore une retraite ponctuée de combats
retardateurs.
L’épuisement est le mode de
description qui convient le mieux à l’état général de la troupe. Les routes ont
encombrées de convois de cuirassiers, d’artilleurs, de sapeurs qui tous se
dirigent vers le sud, parfois à marche accélérée, parfois de manière très
ralentie.
Entre le 31 août et le 6
septembre, le 135ème Régiment d’Infanterie va parcourir 150 km. Entre ses pertes et
la récupération de compagnies isolées, l’arrivée de réservistes depuis
différents dépôts, il finira par dépasser 4000 fantassins, plus ou moins
aguerris. Ils sont toujours aussi lourdement chargés. Les pieds sont meurtris,
les muscles très douloureux. Chaque halte est un bienfait mais il faut ensuite
remettre en route leurs carcasses. Ils sont sales. Parfois une partie de
l’équipement a disparu lors d’une charge ou d’une course sous les obus. Les anciens,
ceux de la mobilisation, se comptent avec inquiétude. Les nouveaux sont moins
jeunes. Ils ne pensaient pas être affectés en première ligne. Ils y sont.
Le gouvernement et les français
savent désormais que la glorieuse bataille des frontières a été perdue par
Joffre. Ils savent que les prochaines semaines vont être très critiques. Les Parisiens
ont fui la capitale, bombardée par des avions légers. Les dégâts sont infimes
mais l’effet est désastreux. Le gouvernement part pour Bordeaux.
Les principales armées allemandes
qui s’avançaient d’est en ouest, au cœur de la Belgique ont brusquement viré à
gauche. Elles avancent, inexorablement vers l’Aisne, qu’elles franchissent,
puis la Marne et l’est de Paris.
Joffre attend son heure. Il
regroupe ses divisions et envoie des avions observer la progression de
l’ennemi.
Castor, Pollux et Jean-Baptiste
n’ont aucune idée de la stratégie du généralissime. Ils marchent.
« Le mouvement sera couvert
par arrière-gardes laissées sur les coupures favorables du terrain, de façon à
utiliser tous les obstacles pour arrêter par des contre-attaques, courtes et
violentes, dont l’élément principal sera l’artillerie, la marche de l’ennemi ou
tout au moins la retarder » Joffre 25 août 1914, 22H.
Ils marchent, ils s’arrêtent, ils
contre-attaquent, ils repartent.
Ils ont chaud, ils ont
peur, ils ont faim, ils ont soif. Ils marchent.
A 5H00, le 31 août, ils ont
quitté Seuil. Désormais les villages vont se succéder, jour après jour. La
Neuville, Bignicourt, Juniville. L’ambiance du soir est plutôt au bivouac dans
les bois. La soupe est aléatoire. Les cuistots se débrouillent.
Le 1er septembre, dès
6h00, 2 officiers et 98 hommes tombent sous les balles de l’ennemi. Réveil
brutal et repli. On entre sous le couvert des bois mais, de 18H à 19H, un
pilonnage intense cause de lourdes pertes aux éléments d’artillerie du
régiment, trop visibles dans une éclaircie des bois.
C’est une nouvelle fuite en
avant.
Les bataillons cantonnent, le
soir, à St-Masme, Selles et Epoye.
Au cours de la journée,
l’adjudant Gauthier réussit à ramener au régiment un groupe de 300 hommes,
rassemblés après les combats de la veille. Il est immédiatement nommé
sous-lieutenant.
Le 2 septembre est une journée de
marche. A midi, ils sont à Sillery. Fait rare, ils peuvent se reposer 6 heures
puis prendre en compte des cantonnements. Ils sont sur le qui vive, prêts à
courir aux faisceaux. Cette fin de
journée est l’occasion d’une restructuration complète en 4 bataillons,
rééquilibrés en hommes et en cadres.
Le 3 septembre, le régiment
marche en tête de la 18ème division. On traverse, dans un incroyable
encombrement de troupes, les villages de Beaumont-sur-Vesle, Verzy,
Villers-marmery, Trépail, Ambonnay. Le 4ème bataillon marche jusqu’à
Condé-sur-Marne où il garde le Train Divisionnaire.
Plus de 1900 réservistes arrivent
alors des dépôts encadrés par quelques officiers de réserve. L’effectif n’a
jamais été à ce niveau. Plus de 5000 hommes sont sous le drapeau du 135ème
R.I.
Quelques officiers sont promus
dont le sous-lieutenant de Bazelaire qui passe lieutenant. Il ne serait pas
loyal d’oublier le lieutenant Holl qui passe capitaine, l’adjudant-chef Merle,
l’adjudant Verrin, le maréchal-des-logis Favre qui sont nommés
sous-lieutenants.
Le 4 septembre, toujours en tête
de la 18ème D.I., le régiment passe la Marne et continue vers le
sud. Il traverse Jalons, Champigneul, Rouffy, Villeneuve, Voipreux. Malgré une
chaleur implacable, la crainte d’une attaque impose de marcher 5 heures sans
une seule pause. Dire que les hommes sont épuisés est un euphémisme.
Les cantonnements s’organisent à
Renneville et Villeneuve.
Près de 600 réservistes sont
alors renvoyés vers les dépôts, les moins exercés. L’écusson du 135ème
R.I. est accordé à tous les fantassins qui restent au corps.
Nous sommes le 5 septembre.
Demain la bataille de la Marne va commencer. Demain est un autre jour.
Personne, dans le régiment ne peut envisager une victoire et pourtant, ces
troupes épuisées vont recevoir l’ordre de ne plus reculer et, si possible, de
reprendre l’offensive. C’est impossible, inimaginable et vrai.
Pour l’heure, ils vont vers le
sud. Ils pensent, un moment, s’arrêter à Clamange. La route d’Ecury-le-Repos à
Pierre-Morains les sépare de la Division Marocaine.
Repos, vous avez dit repos. Ce n’est pas encore le moment.
La progression se fait à partir
de 17H00, vers Morains, Aulnizeux, Toulon-la-Montagne, plein ouest. On se
tourne vers le nord. Derrière nos soldats existe une vaste zone de marécages,
les marais de Saint-Gond, un peu comme s’ils avaient le dos au mur.
Les marais et le mont Août qui
les domine au sud vont devenir célèbres dans les annales militaires. Des
compagnies vont s’y engloutir pendant quelques jours avant que les Allemands ne
commencent à reculer.
La première action débute en fin
de cette journée du 5 septembre. Une batterie allemande stationne sans
protection rapprochée dans le parc du château de la Gravelle. --------------->
Le
Commandant NOBLET donne l’ordre à la 12ème compagnie
d’attaquer à la baïonnette.
Elle déboule sur les servants des canons, tue les chevaux
pendant que le reste du 3ème bataillon contourne le château. Toute
résistance cesse mais il n’est pas prudent de rester dans cette situation avancée.
Le bataillon rejoint Vert-la Gravelle. Les Allemands réussiront à retirer leurs
pièces d’artillerie avant le retour des français.
Le régiment occupe
Vert-la-Gravelle, Toulon-la-Montagne et Aulnizieux.
Le Petit Journal titre, en
première page :
« Armées du nord-est» :
Dans la région de VERDUN, les forces allemandes ont subi certains échecs.
« Encore un paquebot
allemand capturé» : Le Kronprinz Wilhelm était un superbe paquebot
transatlantique … Il ne sera plus à craindre pour personne.
« Un incident relatif au Cardinal MERCIER de Malines » :
Mis en demeure de démentir ses précédentes déclarations contre les barbaries
allemandes, par l’ambassadeur d’Autriche à Rome, le cardinal Mercier s’y est
refusé. …
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