jeudi 16 juin 2011

La Madeleine de la gare de Villevêque Corzé


Madeleine

Le vieux comptoir propose aux mouches une araignée,
Et la salle a perdu ses pas près des guichets.
Il n’y a plus de trains, il n’y a plus d’entrain,
Plus aucun cheminot n’entonne ce refrain,
Qui annonçait jadis, à l’orée de la gare,
Du convoi de midi l’habituel retard.

L’herbe folle se presse aux pelouses chenues,
Et aucun voyageur ne s’y attarde plus.
Il allait à Angers, au marché ou au mail,
Et revenait le soir, encombré de volailles.
Plus rien ne bouge ici, rien ne trouble les chants
Des oiseaux anichés dans les saules tremblants.

Ce vieux volet qui crie est un jeu de l’amour
Et du hasard des vents, qui y font un détour.
Approchez doucement et sans faire de bruit.
Un chat effarouché, la queue basse, s’enfuit.
Au détour d’un pignon, une frange de fleurs
Agite ses corolles et vous dit des senteurs.

Puis Madeleine est là, accueillant en confiance,
L’intrus qui de ces lieux a rompu le silence.
Si elle vit ici, ce n’est pas par hasard.
Car en son jeune temps, elle était chef de gare.
A quatre vingt dix ans, elle vit à demeure,
Où depuis soixante ans, elle a planté son cœur.

Quand les chemins de fer eurent passé de mode,
Son couple s’installa et ce fut bien commode.
Si Brel attend encore, en vain, qu’elle revienne.
Et si de Proust elle n’est pas la Madeleine,
La vieille dame rêve encore du bon temps,
Où les trains sifflotaient, là bas, au creux des champs.

        
                     Zabulle



C'est dans cette gare même, dite de Villevêque-Corzé, que Madeleine vit depuis 64 ans. Elle y fut chef de gare! On pourrait presque croire qu'elle fut oubliée par la SNCF, avec quelques diables et chariots, après que tout trafic y ait cessé. Rien n'a changé. Madeleine vit chichement et la télévision est en panne. Quand je la rencontrai, avec mon groupe de marcheurs, c'était en plein hiver et elle restait couchée toute la journée sous ses couvertures pour ne pas avoir froid. On décelait pourtant, au fond de ses yeux, beaucoup de malice. Madeleine va fêter ses 90 ans.
Monsieur SNCF, et si vous alliez la voir!

Nostalgie

Mon amie Annick m'a rappelé récemment que je fus un jour publié par la SNCF.
J'eus même droit à une illustration de mon poème par Themis.
Je ne résiste pas au plaisir de vous redonner lecture de ce long, long poème.

Je t'en veux TGV
Car pour te voir passer
Ma vache préférée
A eu le cou bloqué
TGV tes givré
Ta java a grisé
Ma Blanchette adorée
Qui paissait dans les prés.
               Zabulle




mercredi 1 juin 2011

J'en pince pour le pinson de mon rosier. Les concours de chants de pinson en Belgique.



Dans ce moment de pure imbécillité humaine, au cours de laquelle l'homme se met à jeter des tonnes de concombres, et de tomates, parce qu'un con encombrant a manipulé quelques légumes en Allemagne sans se laver les mains, il est reposant de se pencher sur un nid de pinson. Pendant que des milliers de producteurs de légumes se désespèrent devant leurs cageots immobiles, attendant que la débile humanité oublie cet épisode et achète de nouveau de la verdure comestible, je regarde les œufs verdâtres, tâchés de marron de dame pinson.
La bestiole ailée a commis deux petites erreurs:
Elle a fait son nid dans le grand rosier situé près de la porte brisée. Aussi, je la dérange chaque fois que je quitte mon clavier pour respirer l'air chargé de soleil et de bourdonnements d'abeilles. Elle s'envole vivement et va se percher dans l'arbre de Judée d'où elle m'observe, agitée et inquiète.
Elle a fait son nid sur les fils verts qui soutiennent le rosier. Vous pouvez voir sur la photo l'inconfortable intrus, ressort de lit inattendu dans l'appartement aviaire.
Les pinsons sont dans mes souvenirs d'enfant comme autant de petits prisonniers des cages de Belgique. J'avais, dans ce pays, un vieil oncle autochtone qui sacrifiait à la mode du coin. Il élevait des pinsons et, le dimanche, il retrouvait une cinquantaines de collègues pour le concours de chant de ses pensionnaires. Je ne sais pas si cela existe encore de nos jours. Les belges se répartissaient le long d'un champ ou d'une route. Chacun devait surveiller une cage spéciale, aveugle et munie, d'un côté, d'une sorte de vitre laiteuse.
Au début, la vitre était obstruée par un volet en bois. Chaque homme était muni d'un grand bâton noir, en bois de section carrée, et d'une craie.
Au signal, le volet était enlevé sur toutes les boites.
Tous les pinsons enfermés dans le noir assistaient alors à un lever de soleil artificiel.
Et, ils émettaient alors leurs chants si particuliers, cette trille qui dit "Pit pit pit pit pit patistruit!".
Un trait de craie, sur le bâton, saluait chaque chant du pensionnaire affecté au surveillant. Il fallait que la mélodie soit complète, pas question de comptabiliser un "Pit pit ..." timide et inachevé.
Au bout d'une demi heure, ou plus, le juge sifflait la fin du concours et, bien entendu, le vainqueur était celui qui totalisait le plus de traits de craie. 
J'ai vu, chez l'oncle, de grands chromos encadrés, représentant invariablement les petits volatiles, qui rappelaient ses victoires. Je crois que son association s'appelait "Les pinsons de la Lys".
Gageons que les petites bêtes eussent été mieux dans la nature mais, après tout, c'était là un passe-temps bien anodin, à une époque où les concombres ne venaient pas d'aussi loin. Ils poussaient dans le fond du jardin!

Lu dans "Le chasseur français" N° 603, de Novembre 1941

Entre eux, à l’état de liberté et surtout à l’époque des amours, les mâles rivalisent pour le chant, mais les pinsons captifs participent à de véritables et sévères concours de chant pour lesquels les amateurs se passionnent. Les petits artisans surtout (chaudronniers, cordonniers, tailleurs, horlogers, etc.) possèdent des pinsons et envoient dans les concours leurs meilleurs chanteurs.
On rapporte qu’un amateur offrit une vache pour un pinson. Ces concours ont lieu surtout, ou du moins avaient lieu, en Belgique et en Allemagne. Les connaisseurs distinguent et apprécient une vingtaine de chants différents qu’ils désignent par des noms assez surprenants : le chant du vin perçant, le mauvais chant du vin, l’huile de pin, la bonne année folle, la bonne année du Harz, le cavalier, etc. Des paris élevés s’engagent souvent dans ces concours.

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