La bataille de la
Marne
6 au 14 septembre 1914
Au cœur de la bataille
En ce 6 septembre 1914, le
contexte est encore celui d’une guerre de mouvements et si, sur le grand
échiquier de la guerre, la reine des batailles est l’infanterie, un régiment
n’est qu’un pion que les généraux peuvent sacrifier sans hésitation. Les
Etats-majors apprennent sur le tas. Les instructeurs sont allemands. Ils enseignent
que l’artillerie est toute puissante pour broyer les pions et que les
mitrailleuses sont très utiles pour parachever le travail.
L’expression « marche ou
crève » n’a pas encore été inventée, c’est plutôt « rampe ou
meurt ».
Joffre estime que la première
phase de regroupement de ses forces est accomplie. Il a repéré les points de
faiblesse de l’avancée allemande et notamment ce flanc droit offert à une
attaque de la VIème armée de Maunoury. Les célèbres taxis sont déjà rassemblés
aux Invalides et transporteront une division entière dans ce secteur.
Il est bien évident que nos trois
compagnons ne savent rien de tout cela. Tout ce qu’ils savent c’est que les
marais de St-Gond sont dans leur dos et que l’ennemi est devant eux. La
situation n’est pas vraiment confortable.
En face, ce ne sont pas des
enfants de cœur. Ce sont des prussiens de la 1ère Division de la
Garde, une troupe aguerrie.
Le 135ème Régiment
d’Infanterie couvre un front allant de Toulon-la-Montagne à Morains-le-Petit. A
5H00, ces prussiens attaquent. Ils arrivent de l’ouest du dispositif, plus
exactement de Congy et profitent du lit du ruisseau de Cubersault pour
contourner le 2ème bataillon. Le régiment est contraint de se
replier. Cela veut dire qu’il doit emprunter une des chaussées qui traversent
le marais du nord vers le sud. Il arrive à Bannes à 11h00.
L’ordre est donné de
reprendre Toulon-la-Montagne avec le 77ème Régiment d’Infanterie. Il
ne pourra pas être exécuté. Une pluie d’obus s’abat sur les deux unités,
rassemblées au sud de Bannes. Elles n’ont pas d’autre solution que de se
replier plus au sud sur les pentes du mont Août.
Douze officiers et 654 hommes
sont portés manquants. Parmi les officiers, on compte le lieutenant Pierre
André de Bazelaire, mort de ses blessures.
Parmi nos camarades du village de
Daumeray, le soldat Victor Berthe est tombé à Vert-la-Gravelle. Il est le
premier tué de ce village, il ne sera pas le dernier.
La journée du 7
septembre va se passer en ordres et
contre ordres. Le soir venu la brigade sera toujours adossée aux pentes du mont
Août.
Ils sont à la veille d’une
victoire décisive mais ne le savent pas. Les deux régiments frères, le 77ème
R.I. et le 135ème R.I. sont au plein centre de l’offensive décidée
par Joffre.
« Une troupe qui ne peut
plus avancer, devra, coûte sue coûte, garder le terrain conquis et se faire
tuer sur place plutôt que de reculer » Joffre 5 septembre 1914.
Les combats les maintiendront
dans ce secteur des marais de St-Gond jusqu’au 11 septembre. Le régiment subira
encore des pertes, notamment le 9 septembre, jour où le chef de corps, le
Lieutenant-colonel GRAUX est blessé et fait prisonnier avec son adjoint, le
capitaine Pons. Le colonel parviendra à
s’évader mais le capitaine était mort de ses blessures. Le même jour, le
commandant Noblet est tué ainsi que de nombreux officiers. Le régiment devra
reculer jusqu’à Linthes. Pour bien se rendre compte de l’étendue des pertes, il
faut savoir que l’officier qui commande le régiment, en cette soirée du 9
septembre, est le capitaine Sanceret, 3éme bataillon, 12ème
compagnie.
Comment ces fantassins harassés
pourraient-ils imaginer que dans quelques jours, ils auront parcouru le chemin
inverse de cette longue retraite et repoussé les Allemands jusqu’au delà de la
Vesle ? La chaleur est accablante mais, ils n’ont plus une goutte d’eau et
n’ont pas mangé depuis deux jours.
Un sentiment de solitude, l’impression
que toutes les forces ennemies sont rassemblées devant vous et que, manque de
chance, il vous incombe de sauver le monde pendant que les autres régiments
vont à la soupe.
Leur chef est le général Foch, un
inconnu. Son armée se heurte à celle de Bülow. Un peu plus à gauche, Kluck s’est tourné vers Maunoury créant ainsi une
sorte de brèche entre Château-Thierry et Monmirail. Franchey-d’Esperay s’y
porte aves les forces anglaises.
Le 9 septembre, journée
éprouvante pour le régiment, Bülow recule enfin et Kluck décide de rompre le
combat.
Une sorte de boulevard s’ouvre
devant les divisions françaises. Le scénario est totalement inversé. L’artillerie
précède les régiments, pilonne les forces ennemies puis les fantassins s’avancent.
Oh, c’est plus facile à écrire qu’à réaliser et des hommes tombent de part et d’autre
mais, Joffre a gagné. Il a réussi à enrayer cette ruée vers Paris qui avait
fait fuir le gouvernement.
« Le 11 septembre, Joffre
télégraphie au gouvernement « victoire incontestable ». Cette
victoire ne pourra pas être exploitée comme il conviendrait. Joffre n’a plus
aucune réserve. Les troupes sont épuisées. Les Allemands se retranchent sur une
ligne Noyon-Soissons-Craonne quasi inexpugnable. Il faudra quatre années pour les en
déloger.
Le 135ème régiment d’Infanterie
a accompagné ce grand mouvement du 9 au 13 septembre. Il est repassé sur ses
traces à Voipreux, Rouffy, Champigneul, Jalons. Il a franchi la Marne le 12
septembre, à Condé, sur des nacelles et un pont de bateaux. Le commandant
Delétoille, rentré de convalescence, est leur chef de corps.
Le soir le trouve dans un village
appelé « Les grandes Loges ».
Le 13 septembre, il s’avance en
brigade, précédé par le 77ème R.I. Ce dernier livre bataille à
Livry contre un parti de fantassins allemands et un groupe d’artillerie. La marche
reprend à midi vers Mourmelon-le-Petit. Au passage on fait quelques prisonniers,
des trainards et des pillards.
Devant eux, Prosnes est encore
occupé par l’ennemi. Il a entrepris de renforcer ses défenses en creusant des
tranchées.
C’est là que nous allons laisser
quelques instants notre régiment. Nous sommes à l’extrême nord de l’avancée des
divisions de Foch. Le front va s’installer dans ces parages pour très longtemps.
Prosnes va être pris puis âprement défendu. Ce village laissera son nom dans l’histoire
de la grande guerre.
Le Petit Journal titre, en première
page
« Après la victoire de la
Marne» : Le mouvement de retrait des Allemands continue
« L’état major allemand
avoue sa défaite sur la Marne» : L’état major allemand s’est résolu à
télégraphier un bulletin reconnaissant les succès de l’aile gauche des alliés.
« Le paquebot français Lutetia a échappé aux croiseurs
allemands » : Ce fut une poursuite acharnée. Le paquebot français
gagna de vitesse et arriva sans accident à Saint-Vincent.
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