Certaines personnes d’un
certain âge, pour ne pas dire d’un âge certain, se souviennent de la famille PINOTEAU
qui habitait, dit-on, au coin de la place Robert le Fort, à
Châteauneuf-sur-Sarthe.
Ce qu’elles ignorent
sans doute c’est que cette famille, de haute lignée militaire, a donné trois de
ses membres à la France, au cours de la Grande Guerre.
Sur le Monument aux Morts de
la ville, on trouve les noms de Bernard, Jacques et Raymond PINOTEAU, tués
successivement les 22, 28 et 30 août 1914. On ne peut imaginer destin plus
funeste pour deux frères et un oncle.
Leur ancêtre commun est le Général
Pierre Armand PINOTEAU, fait baron par Napoléon 1er le 28 avril 1915
juste avant la chute de l’empire.
Les trois officiers victimes
des combats de 1914 ont pour père, ou grand-père, selon les cas, le chef d’escadron
Alphonse PINOTEAU, de Périgueux.
Tous trois sont Saint-Cyriens.
L’oncle, le capitaine Marie
Alphonse Raymond PINOTEAU meurt le 22 août 1914 en Belgique. Sabre au clair, il
entraine sa compagnie vers le village de Maissin, à l’ouest du Luxembourg. Les
Allemands s’y sont retranchés depuis deux ou trois jours et ont mis en batterie
ces mitrailleuses dont les français n’ont pas encore l’habitude. C’est une
hécatombe.
Le frère de Marie Alphonse
est le lieutenant-colonel Marie Joseph Henri PINOTEAU. Il commande le 298ème
Régiment d’Infanterie de Roanne qui va s’illustrer dans une triste affaire sur
laquelle nous reviendrons.
Pour l’heure, le lieutenant-colonel
va perdre deux de ses fils.
Jacques Marie est lieutenant
au 7ème Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc. Ce régiment débarque
en France le 17 août 1914 et rejoint immédiatement le front au sud-ouest de
Charleville-Mézières. C’est la que le 28
août 1914, chargeant à la tête de sa section, Jacques est tué avec les deux
tiers des officiers
et soldats de ce régiment.
Bernard est sous-lieutenant
au 8ème Régiment de Marche de Tirailleurs de Tunis. Son régiment
débarque en France le 12 août et rejoint Avignon pour y être équipé. C’est aux alentours de Saint-Quentin que, le
30 août 1914, Bernard est tué à la tête de trois sections de tirailleurs qu’il
maintenait en ordre de combat dans une tranchée sous un violent tir d’artillerie.
Ainsi cette famille de Châteauneuf-sur-Sarthe
avait donné trois de ses membres à la patrie en moins de dix jours.
On imagine la tristesse du
lieutenant-colonel PINOTEAU apprenant ces décès à la tête de son régiment pour
l’heure affecté à la région de Vingré, dans l’Aisne.
Or, un drame va survenir au
sein de son unité.
Le 27 novembre 1914,
les Allemands attaquent des tranchées de 1ère ligne et les quelques
sections qui les occupent refluent vers une tranchée de résistance prévue à cet
effet. Il semble bien que ce soit le sous-lieutenant qui les commande, un certain
PAULAUD, qui ait donné l’ordre de repli. Le lieutenant PAUPIER renvoie les
soldats vers leur première position et ils obéissent à ce contrordre sans
rechigner.
Le problème est que le
général de Villardet qui commande la Brigade vient de pondre une note qui dit
ceci :
« Ne pas hésiter à
faire usage des Conseils de Guerre Spéciaux. Il importe que la procédure soit
expéditive… ». Qui prit l’initiative de « monter en épingle » ce
qui, somme toute, n’était qu’une péripétie de combat ? Nul ne le sait.
Le fait est que, le 3
décembre 1914, un Conseil de Guerre condamna à mort six sur vingt-quatre des
hommes concernés par ce repli. Le sous-lieutenant PAULAUD avait affirmé qu’il n’avait
donné aucun ordre de repli !
En présence du
Lieutenant-colonel PINOTEAU on passa ces six malheureux par les armes le 4
décembre 1914. Voila qui ne fut pas trop à votre honneur mon cher général !
Le 5 avril 1925, les six
hommes furent réhabilités mais sans condamnation du sous-lieutenant PAULAUD
qui, ce jour-là encore, se sortit sans dommages du guêpier. On peut supposer qu’il
n’était pas trop fier de lui.
Je ne ferai pas d’autres
commentaires sur cet épisode peu glorieux de l’épopée de la guerre 1914-1918.