La mairie d'une petite commune est le modèle
réduit d'autres niveaux de pouvoir dont on se prend à imaginer la dureté,
agglomération, communauté de communes, département, région, pays.
Les rôles y sont distribués au gré des
personnalités, des ressentis, des vieux contentieux, des animosités. Le casting
avait été hasardeux, faussé par la difficulté de recruter des volontaires.
Tant que les sujets à traiter étaient du niveau
du chien écrasé, tout allait bien, le traintrain quotidien sied à la majorité
des élus de base. Autour de la table du conseil, dépeuplée au fil des mois par
ceux et celles qui n'y trouvaient plus le plaisir de curiosité du début, les
rescapés expédiaient les sujets et lorgnaient leur montre.
Mais qu'advienne un sujet de discorde, de ceux
qui débordent les murs de la mairie, intéressent les habitants et les potentats
politiques des strates supérieures, tout change! Les petits clans se forment,
s'ameutent, s'excitent. L'entente passée s'avère artificielle et fragile. De
bonne foi, sinon de bonne conscience, un ou deux petits Napoléons ruraux
s'inventent des certitudes et vont rechercher les disparus, d'autant plus
malléables qu'ils n'y comprennent rien à un sujet pour lequel ils n'ont
participé, ni à la genèse, ni à la progression.
Une décision des plus farfelues peut naitre de
ces mouvements incontrôlés et incontrôlables car, un semblant de psychologie,
suffit à son détenteur pour influencer des esprits faibles, trop heureux d'en
remontrer à la gouvernance ancienne, rassurés par la masse et le secret des
bulletins de vote.
Dans l'ombre, Iznogoud s'agite, se dépense sans
compter, commence à lorgner sur le siège convoité, celui du maire. Dans son
sillage, les comparses lorgnent sur des sièges subalternes, ceux des adjoints
qui, pour leur malheur, garderaient une once de fidélité.
Un scénariste de talent trouverait matière, dans
ce microcosme rural, à la mise en prose ou en vers d'un psychodrame de bas
étage. Tous les acteurs sont là! Le traitre, les figurants, les faux amis, les
faux compatissants, les petits chefs de petits clans. Aucun diplôme, aucune
intelligence, aucun vécu, aucune culture ne sont nécessaires à la démesure des
nouveaux rôles que chacun se distribue.
Des alliances contre nature se nouent, éphémères
certes mais qui perdureront, au plus, jusqu'à la perte annoncée de l'ennemi
désigné par le marionnettiste. Les marionnettes, quant à elles, sont
inconscientes et béâtes. Elles s'imaginent maîtresses de ces nouveaux gestes
dont elles tirent vanité, sans sentir les ficelles qui les agitent. C'est
amusant et nauséabond à la fois!
Le pire est que le meneur de jeu, le marionnettiste
rural est lui même la marionnette d'un autre tireur de ficelles, d'un échelon
supérieur. Le castelet est à plusieurs étages. C'est hallucinant!
Hallucinant et tellement triste!
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