mardi 17 janvier 2012

Amélie Louise BOURRIER. Fille de joie ou fille de peine?

Arthur BOURRIER, Blanche LECAS, Fernande ou Denise BOURRIER et quelques employés.
devant les ateliers de la rue de Doullens à Frévent


Il est des secrets de famille, murmurés par les grandes personnes, colportés de génération en génération, déformés, dilués, embaumés, embellis, insolubles ou dissous dans les incendies de la Commune ou de la colonne Turreau. Les actes paroissiaux, quand ils existent, attribuent des parents, des grands parents, des frères et des sœurs. Mais qui vous dira si telle aïeule, engrossée par un nobliau du coin, fut mariée à un paysan, à un artisan ou un manouvrier, contre dédommagement? Rien de tel entre les lignes du vieux manuscrit poussiéreux.
En ce qui me concerne, j'ai cherché pendant des années les ascendants de mon arrière grand-père paternel. Pas d'acte de naissance, pas d'acte de mariage, un acte de décès peu prolixe en enseignements. Sa femme, mon arrière grand-mère, tout aussi mystérieuse.
C'est le hasard qui m'a fait déboucher sur la solution de l'énigme, une solution qui ressemble fort à une porte bouclée à double tour mais qui m'a, quand même, rempli de joie.
J'ai adopté un fantôme de sexe féminin, fille de peine ou fille de joie, soubrette engrossée par son maître ou violée dans une rue de Paris, Amélie Louise m'a livré son secret, penchée sur mon épaule, mi contrite, mi amusée, elle a guidé mes recherches:
Ci-dessus, la rue de Doullens et la maison de mes grands-parents.
Arthur BOURRIER, à gauche de la photo, porte une casquette noire et semble ajuster ses lunettes.
 ***
Ce fut d'abord la mise en ligne, par les archives du Pas-de-Calais, du recensement de 1911. Par curiosité, je parcours les pages de Frévent, la commune où je suis né. En 1911, donc, rue de Doullens, le recenseur frappe à la porte des Bourrier. Il y trouve mon grand-père, Arthur, et sa femme, Blanche LECAS, ma tante, Fernande BOURRIER, la bonne et aussi, une certaine Marie Léontine Honorine Desplanque, mère du maître du logis. Il a la bonne idée d'indiquer que Marie est née en 1844, à AUTHEUX, dans la somme. C'est la première fois que le lieu de naissance de mon arrière grand mère est mentionné quelque part.
A Autheux, dans la Somme, je trouve donc, sans trop de difficultés, la naissance de mon arrière grand-mère et, par ricochet, toute une ribambelle d'aïeux, les Desplanque, planqués dans ce petit village, depuis 1600. c'est là une première énigme résolue.
Pas de trace, malheureusement, de son mariage, vers 1870, avec mon arrière grand père.
C'est là qu'intervient mon fantôme car, qui pourrait me dire pourquoi, à un moment donné, je décide d'aller voir les mariages de Doullens, un gros bourg de la Somme. Pourquoi pas Amiens, non, Doullens.
Et là, oh merveille, je trouve le mariage de l'aïeul et la solution de la vieille énigme. Pour faire simple, je vous retranscris simplement  l'acte de mariage N°22 de l'année 1869, à Doullens.

"L'An mil huit cent soixante neuf, le onze septembre, à onze heures du matin, devant nous Marquis Louis Antoine Augustin, Maire et Officier d'Etat Civil de la commune de Doullens, canton de Doullens, département de la Somme, sont comparus publiquement à la mairie le nommé Louis Victor Bourrier, domestique demeurant à Doullens, né à Paris le six février mil huit cent quarante trois, fils majeur naturel de Amélie Louise Bourrier, qu'il n'a jamais connue ayant été déposé à l'hospice de Paris ainsi qu'il résulte du certificat d'origine délivré par le Directeur de l'Assistance Publique le quinze juillet mil huit cent soixante neuf et Mademoiselle Marie Léontine Honorine Desplanque, domestique demeurant à Doullens, née aux Autheux le quinze décembre mil huit cent quarante quatre, fille majeure de Louis Guillaume Desplanque, plafonneur, âgé de cinquante sept ans, demeurant à Autheux présent et consentant et de feue Catherine Julie Marie Desplanque, décédée au dit Autheux le quinze janvier mil huit cent soixante sept. Les deux nous ont requis de procéder à la célébration de leur mariage. Faisant droit à cette réquisition, nous Maire susdit, vu le certificat des publications faites sans opposition en cette mairie le dimanche vingt neuf août dernier  et cinq septembre présent mois à l’heure de midi. Vu les actes de naissance et les autres pièces produites de toutes lesquelles pièces paraphées et annexées  il a été par nous donné lecture ainsi que du chapitre six du titre de mariage du code napoléon et ainsi, après avoir reçu des futurs époux et des personnes présentes pour autoriser le mariage la déclaration qu’il n’a pas été fait de contrat de mariage et après avoir également reçu des futurs époux et des quatre témoins du mariage la déclaration affirmative sous serment qu’ils ne peuvent produire l’acte de décès de la mère du futur ou la preuve de son absence faute de connaître son domicile ou le lieu de son décès, avons demandé aux futurs époux s’ils veulent se prendre pour mari et pour femme, chacun d’eux ayant répondu séparément et affirmativement, déclarons publiquement au nom de la loi que le sieur Louis Victor Bourrier et mademoiselle Marie Léontine Honorine Desplanque sont unis par le mariage. De tout quoi nous avons dressé acte en présence des sieurs Compy François Noël, âgé de trente deux ans Maître d’hôtel demeurant à C Voisselle Louis Constant âgé de quarante deux ans, ancien Maître d’hôtel demeurant aussi ami de l’époux, Morel Henri Emile, âgé de trente deux ans, domestique demeurant à Doullens, ami de l’épouse et de Rocques Alphonse, menuisier, âgé de vingt deux ans demeurant aux Autheux, beau frère de l’épouse lesquels ont, ainsi que les parties contractantes, signé avec nous Maire le présent acte après lecture.
Signé : Bourrier, Desplanque, Desplanque, Compy, Voisselle, Morel, Marquis, Rocque. »
Bien entendu, il sera difficile de trouver des aïeux plus anciens mais je me contenterai d'Amélie qui, même si elle n'est pas Poulain, vient d'apparaître dans toute sa misère au bout d'une branche de mon arbre, une branche que je croyais morte et qui avait cette feuille, flétrie sans doute, fanée peut-être, mais réelle et émouvante.
Ci-dessous le registre de l'Assistance Publique où sont consignés les noms et prénoms des enfants 
abandonnés, trouvés ou déposés en février 1843.








Le café de Louis Victor BOURRIER à Frévent
à l'époque où il avait été repris par Jules MERCIER 
mon grand-père maternel.

 

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