jeudi 17 mars 2011

Moi Svein, compagnon d'Hasting. Robert le Fort

J'ai découvert, par hasard, une bande dessinée qui aborde le thème de ma conférence du 2 avril 2011, à Brissarthe. Je l'ai achetée et feuilletée et, à mon grand étonnement, j'y ai retrouvé tous les personnages de la bataille de Brissarthe, Robert le Fort, Hasting, Salomon, Ramnulf, dans un récit assez fidèle à la tradition historique. Bref, je ne saurais trop vous inciter à offrir cette BD à vos petits. Elle est d'une grande qualité!
Observez, ci-dessous, comment Jean-Marie WOEHREL, dessine les rues de notre village et l'église qui fut le théâtre de ce tragique événement!


mercredi 16 mars 2011

Conférence et concert à l'église de Brissarthe le 2 avril 2011. Bataille de Brissarthe. Robert le Fort. Dalmare Canti.



Inscriptions par courrier en recopiant le bulletin d'inscription ci-dessus et en nous le retournant à 
Secrétariat sauvegarde patrimoine brissarthois
L'Ouche
49330 Brissarthe
ou par mail à
sauvegardepatrimoinebrissarthois@laposte.net
( envoi chèque en parallèle)
Avant le 20 mars 2011

lundi 14 mars 2011

Les livres d'histoire sont, au mieux, des romans, au pire des mensonges.

Je suis, depuis quelques semaines, dans ma période "histoire de France" et, plus particulièrement, dans celle de l'Anjou, à l'époque carolingienne. Or, j'ai parfois l'impression de participer à cette manipulation des esprits qui fut l'apanage des historiens modernes, depuis qu'ils font entrer l'histoire dans des habits commodes, calibrés, canalisés, du prêt à porter pour élèves, étudiants et amateurs du genre. Car, ne nous faisons pas d'illusions, tout ce qui a été écrit sur les événements qui ont émaillé les siècles précédant l'an 1000 est sujet à caution!
L'époque carolingienne est justement renommée pour la confusion des écrits qui s'y rapportent. Certains historien vont jusqu'à affirmer que les dernières années de l'époque mérovingienne sont mieux connus que celle des carolingiens.
Débrouiller l'écheveau des partages, des batailles entre frères, rois, comtes et autres marquis, qui tentaient d'imposer leur pouvoir sur d'éphémères héritages, ou conquêtes, est impossible. Quand un traité, une charte, l'octroi d'un honneur, attribuait à une personnalité une province, éloignée du centre de gravité de sa prime influence, il faut bien admette que, sur le terrain, le pouvoir réel du nouveau maître était plus que virtuel.
Or, les livres d'histoire que nous avons tous tenu entre nos mains, à l'école ou au collège, ceux que nous avons achetés, par la suite, font rarement état des incertitudes liées à cet exercice aléatoire qui consiste à relater l'histoire. Les historiens modernes ont pioché dans des annales, des récits, des traditions orales retranscrites, pour livrer un récit méthodique de cette période, une chronologie vulgarisée, des noms et des cartes, accessibles au commun des mortels.
Ce faisant, ils ont accumulé une somme de mensonges car, bien entendu, tout choix impliquait un renoncement à la vérité historique. Ces intellectuels avertis ont tellement bien éclairé cette période obscure que, par réverbération, nous en sommes éblouis. Cela nous rend aveugles et nous fait gober, sans critique, le roman qu'ils ont constitué en taillant à grands coups de ciseaux dans le fatras des récits originaux.
Cela me fait penser à cette histoire classique du monsieur qui cherche sa montre sous un réverbère alors qu'il l'a perdue dans une ruelle obscure, où là, au moins, il y a de la lumière!
Reconnaissons que la tâche n'a pas été rendue facile par ceux qui, au moment des faits, relataient les évènements qui se déroulaient autour d'eux. Qui pourrait le leur reprocher? Quand un moine, entre les murs épais de son abbaye, relatait une virée de normands, une bataille, une assemblée de rois, il le faisait en se basant sur les récits qu'on lui en faisait. Ce récit lui parvenait par des chemins hasardeux ou, si un des acteurs directs de la scène la lui relatait, les faits réels pouvaient être déformés par vanité, flagornerie, ou intérêt personnel. Même la chronologie réelle des évènements semble absente de ces textes, retrouvés parfois, comme ce fut le cas des annales de Saint-Bertin, (ci-dessous) longtemps après leur élaboration.
Rien ne vous empêche, cependant, de lire vous mêmes les écrits du temps. Il ne vous sera pas utile d'être de savants latinistes, de déchiffrer le vieux français ou l'anglais ancien car, depuis belle lurette, les traductions sont accessibles sur le web. mais, attendez vous à quelques surprises! C'est un véritable chaos! Les narrateurs sautent sans cesse du coq à l'âne, entachent leurs récits de commentaires religieux, mêlent une attaque de loups autour de l'abbaye, à une réunion de rois!
Si, plusieurs textes différents abordent le même sujet, aucune approche n'est similaire. Les dates, quand il y en a, sont différentes! Ne vous attendez donc pas à trouver dans cet exercice fastidieux, matière à critiquer le travail de vos prédécesseurs. Vous y trouverez, simplement, la conscience que l'histoire, telle qu'elle nous est livrée par les érudits, n'est pas une science exacte. Elle n'est que la somme de choix aléatoires, parfois étonnants, toujours hasardeux.
Mais, servez vous quand même des livres d'histoire en ce qu'ils constituent une sorte d'épine dorsale, une route commode pour entrer dans le maquis des textes anciens. Ils ont ce mérite. Vous, comme moi, perdrions notre temps et notre latin à vouloir déchiffrer, de nouveau, le Gesta Nortmannorum. 
Mon propos reste cohérent si je vous dis, simplement: "Ne prenez pas pour argent comptant tout ce qu'on vous raconte dans les livres et allez voir vous mêmes, de temps, dans les textes initiaux". C'est passionnant!

Petit exemple, en passant:

Dans les annales de Saint-Bertin, page 159, on peut lire:
Nortmanni commixti Britonibus, circiter quadringenti de Ligeri cum caballis egressi, Cinomannis civitatem adeunt. Qua depraedata, in regressu suo usque ad locum qui dicitur Brieserta veniunt, ubi Rotbertum et Ramnulfum, Gotfridum quoque et Heriveum comites, cum valida manu armatorum, si Deus cum eis esset, offendunt. Et conserto praelio, Robertus occiditur; Ramnulfus plagatus, cujus vulnere postea mortuus est, fugatur; et Heriveo vulnerato et aliis quibusdam occisis, caeteri ad sua quique discedunt. Et quoniam Ramnulfus et Rodbertus de praece dentium ses vindicta, qui contra suum ordinem alter abbatiam sancti Hilarii, alter abbatiam sancti Martini praesumpserat, castigari noluerunt, in se ultionem experiri meruerunt.

Traduction:
Environ quatre cent Normands, mêlés de Bretons, venus de la Loire avec des chevaux, arrivent à la cité du mans et, après l'avoir pillée, viennent en s'en retournant jusqu'à un lieu nommé Briserte, où les comtes Robert et Ramnulphe, Godefroi et Hérivée les attaquent; et que Dieu eut été avec eux!  Le combat commencé, Robert est tué, et Ramnulphe, frappé d'une blessure dont il mourut peu après, est mis en fuite; Hérivée est aussi blessé et d'autres tués; le reste s'en retourne chacun de son côté : et comme Ramnulphe et Robert n'avaient pas voulu châtier précédemment ceux qui, contre leurs ordres, avaient osé s'emparer, l'un de l'abbaye de Saint-Hilaire, l'autre de l'abbaye de Saint-Martin, il était juste que le châtiment en tombât sur eux.           Sans commentaire !!!



Dans  le gesta Nortmannorum, on trouve le même récit, mais en 869!
Anno 869 Nortmanni mare intrant et pars quœdam ex ipsis Italia rediit Nortmanni vero commiMi Brittonibus circiter cccc de Ligeri cum caballis egressi Ce nomanis civitatem adeunt Qua depredata in regressu suo usque ad locum qui dicitur Briesseta veniuntubi Robertum et Ragnulfum Godcfridum quoque et Henricum comites cum valida manu armatorum si Deus cum eis esset offendunt et conserto prœlio Robertus occiditur Ragnulfus vulneratus postca mortuus est deinde Henrico sauciato et aliis quibusdam occisis ceteri quique ad sua discedunt

Et lisez ce qu'un historien réputé tire de ces quelques lignes, dans '"Anjou et ses monuments "(1839), cela devient véritablement lyrique.
Jugez en:
Quatre cents Normands et Bretons réunis parurent aux environs de Brissarthe ils appartenaient aux bandes de la Loire qui après avoir écumé la mer d 'Italie étaient revenues sur nos rivages d où elles sortaient ensuite pour se jeter dans l Anjou et le Maine Les quatre cents Normands et Bretons qui se montrèrent près de Brissarthe étaient allés piller la cité du Mans et chargés de butin revenaient sur leurs pas lorsqu ils firent la rencontre de Robert le Fort Hasting était à leur tête . Voilà deux grandes figures en présence d' un intérêt vraiment dramatique Là c'est Hasting courant sur un cheval aux crins en désordre qui échauffe ses quatre cents brigands du feu de son audace tout s' anime à son geste à son regard les chevaux se redressent malgré la fatigue malgré leur maigreur à sa voix ils secouent avec fierté leurs sales crinières, couverts de sueur et, comme leurs maîtres, faits au brigandage, ils ont d' avance l' odeur du sang. Un seul coup dans les flancs, vous les verrez bondir sur le champ de bataille et fouler aux pieds en hennissant les cadavres étendus sur le sol.
Agiles comme des centaures nos écumeurs de mer, non moins habiles à dompter des cavales qu'à lutter avec l 'Océan, attendent impatients le suprême signal du farouche Hasting. Leurs yeux bleus, leur teint blanc, leur blonde chevelure, en dépit de leurs habitudes sauvages, leur impriment un grand air de noblesse, souvent de la douceur. Mais le chef a-t'il parlé, ce ne sont plus des hommes, ils crient, ils écument, ils baisent leurs armes avec amour, leurs yeux étincellent, la fureur grossit leur voix et leurs traits deviennent hideux de rage et de cruauté. Ici c 'est Robert le Fort, avec Ramnulf duc d'Aquitaine, avec les comtes Hérivée et Godefroi. Leurs cottes d'armes brillent aux feux du soleil couchant, leur chevelure et leur barbe se jouent sur les mailles étincelantes de leur armure, de riches boucliers ornés de cercles des lances trempées d'acier arment leurs bras l'air le plus martial annonce au loin leur audace et leur dignité Une suite armée de toutes pièces se distingue par l 'originalité du costume une sorte de bonnet phrygien rouge le manteau court avec agrafe à la romaine une chemise de mailles une saie violette sont les vêtements qui la parent . Tels étaient les deux partis quand ils se rencontrèrent.

Ouf! 
Vous voyez ce qu'on peut tirer, au XIX° siècle de quelques lignes écrites au IX° siècle!

dimanche 13 mars 2011

Une publicté comme je les aime. SAPPORO BEER COMMERCIAL

Si tous les publicistes se mettent à réaliser des spots de cette qualité, je changerai d'avis sur cet art!


dimanche 6 mars 2011

Si, comme moi, vous vomissez le RAP, le SLAM et autres décadences

Posez vous seulement cette question:
Combien de temps faut-il pour acquérir le virtuosité du musicien ci-dessous?
Combien de temps faut-il pour écrire et interpréter du RAP?
Sans autre commentaire!

De l'amitié


En lisant un petit texte de Montaigne, ce matin, je trouve une excellente définition du mot "amitié". Elle correspond en tous points à ce que je ressens après quelques micro aventures.
"Ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité."
Je ferai désormais bon usage de cette maxime car, on ne peut être trahi par ses ennemis et, au moins, on s'attend aux coups qu'ils portent! 



lettre de Jules Ferry aux instituteurs


Pour faire l'économie d'un débat sur la laïcité, prochain fiasco de la communication gouvernementale, je suggère à ces messieurs de relire la lettre de Jules FERRY aux instituteurs puis, de rechercher, en France, des ministres capables d'écrire de cette façon!

Une amie me disait, sur un mail récent, qu'on appela, un temps, nos dévoués instituteurs: "Les hussards noirs de la République". Les enseignants ont encore, de nos jours, ce rare bon sens qui sied aux défenseurs des grands préceptes de la constitution.

Jules Ferry - Lettre adressée aux instituteurs - 17 novembre 1883

Monsieur l'Instituteur,

L'année scolaire qui vient de s'ouvrir sera la seconde année d'application de la loi du 28 mars 1882. Je ne veux pas la laisser commencer sans vous adresser personnellement quelques recommandations qui sans doute ne vous paraîtront pas superflues après la première expérience que vous venez de faire du régime nouveau. Des diverses obligations qu'il vous impose, celle assurément qui vous tient le plus à coeur, celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de travail et de souci, c'est la mission qui vous est confiée de donner à vos élèves l'éducation morale et l'instruction civique : vous me saurez gré de répondre à vos préoccupations en essayant de bien fixer le caractère et l'objet de ce nouvel enseignement et pour y mieux réussir vous me permettrez de me mettre un instant à votre place, afin de vous montrer par des exemples empruntés au détail même de vos fonctions comment vous pourrez remplir à cet égard tout votre devoir et rien que votre devoir.
La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier ; d'autre part, elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique. L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Église, l'instruction morale à l'école. Le législateur n'a donc pas entendu faire une oeuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l'école de l'Église, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l'aveu de tous. Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle exprime la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur les notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation, c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celle du langage ou du calcul..En vous conférant de telles fonctions, le Parlement s'est-il trompé ? A-t-il trop présumé de vos forces, de votre bon vouloir, de votre compétence ? Assurément, il eût encouru ce reproche s'il avait imaginé de charger tout à coup quatre-vingt mille instituteurs et institutrices d'une sorte de cours ex professo sur les principes et les origines des fins dernières de la morale. Mais qui n'a jamais rien conçu de semblable ? Au lendemain même du vote de la loi, le Conseil supérieur de l'Instruction publique a pris soin de vous expliquer ce qu'on attendait de vous, et il l'a fait en des termes qui défient toute équivoque. Vous trouverez ci-inclus un exemplaire des programmes qu'il a approuvés et qui sont pour vous le plus précieux commentaire de la loi : je ne saurais trop vous recommander de les relire et de vous en inspirer. Vous y puiserez la réponse aux deux critiques opposées qui vous parviennent. Les uns vous disent : « Votre tâche d'éducateur moral est impossible à remplir. » Les autres : « Elle est banale et insignifiante ». C'est placer le but ou trop haut ou trop bas. Laissez-moi vous expliquer que la tâche n'est ni au-dessus de vos forces ni au-dessous de votre estime, qu'elle est très limitée et pourtant d'une très grande importance ; extrêmement simple mais extrêmement difficile.
J'ai dit que votre rôle, en matière d'éducation morale, est très limité. Vous n'avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens. Et, quand on vous parle de mission et d'apostolat, vous n'allez pas vous méprendre : vous n'êtes point l'apôtre d'un nouvel Évangile : le législateur n'a voulu faire de vous ni un philosophe ni un théologien improvisé. Il ne vous demande rien qu'on ne puisse demander à tout homme de cœur et de sens. Il est impossible que vous voyiez chaque jour tous ces enfants qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, observant votre conduite, s'inspirant de vos exemples, à l'âge où l'esprit s'éveille, où le coeur s'ouvre, où la mémoire s'enrichit, sans que l'idée vous vienne aussitôt de profiter de cette docilité, de cette confiance, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j'entends simplement cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et mères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre en peine d'en discuter les bases philosophiques. Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille : parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parlât au vôtre ; avec force et autorité, toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune ; avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge.
Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment : car ce que vous allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse ; c'est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que.plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité. Si étroit que vous semble peut-être un cercle d'action ainsi tracé, faites-vous un devoir d'honneur de n'en jamais sortir, restez en deçà de cette limite plutôt que vous exposer à la franchir : vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant. Mais une fois que vous vous êtes ainsi loyalement enfermé dans l'humble et sûre région de la morale usuelle, que vous demande-t- on ? Des discours ? Des dissertations savantes ? De brillants exposés, un docte enseignement ? Non ! La famille et la société vous demandent de les aider à bien élever leurs enfants, à en faire des honnêtes gens. C'est dire qu'elles attendent de vous non des paroles, mais des actes, non pas un enseignement de plus à inscrire au programme, mais un service tout pratique, que vous pouvez rendre au pays plutôt encore comme homme que comme professeur.
Il ne s'agit plus là d'une série de vérités à démontrer, mais, ce qui est tout autrement laborieux, d'une longue suite d'influences morales à exercer sur ces jeunes êtres, à force de patience, de fermeté, de douceur, d'élévation dans le caractère et de puissance persuasive. On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre par la manière même dont vous vivrez avec eux et devant eux. On a osé prétendre pour vous que, d'ici à quelques générations, les habitudes et les idées des populations au milieu desquelles vous aurez exercé attesteront les bons effets de vos leçons de morale. Ce sera dans l'histoire un honneur particulier pour notre corps enseignant d'avoir mérité d'inspirer aux Chambres françaises cette opinion qu'il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l'influence ne peut manquer, en quelque sorte, d'élever autour d'elle le niveau des moeurs. Ce rôle est assez beau pour que vous n'éprouviez nul besoin de l'agrandir. D'autres se chargeront plus tard d'achever l'oeuvre que vous ébauchez dans l'enfant et d'ajouter à l'enseignement primaire de la morale un complément de culture philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l'office que la société vous assigne et qui a aussi sa noblesse : posez dans l'âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité.
Dans une telle oeuvre, vous le savez, Monsieur, ce n'est pas avec des difficultés de théorie et de haute spéculation que vous avez à vous mesurer ; c'est avec des défauts, des vices, des préjugés grossiers. Ces défauts, il ne s'agit pas de les condamner - tout le monde ne les condamne-t-il pas ? - mais de les faire disparaître par une succession de petites victoires, obscurément remportées. Il ne suffit donc pas que vos élèves aient compris et retenu vos leçons ; il faut surtout que leur caractère s'en ressente : ce n'est donc pas dans l'école, c'est surtout hors de l'école qu'on pourra juger ce qu'a valu votre enseignement. Au reste, voulez-vous en juger par vous-même, dès à présent, et voir si votre enseignement est bien engagé dans cette voie, la seule bonne : examinez s'il a déjà conduit vos élèves à quelques réformes pratiques. Vous leur avez parlé, par exemple, du respect de la loi : si cette leçon ne les empêche pas, au sortir de la classe, de commettre une fraude, un acte, fût-il léger, de contrebande ou de braconnage, vous n'avez rien fait encore ; la leçon de morale n'a pas porté, ou bien vous leur avez expliqué ce que c'est que la justice et que la vérité : en sont-ils assez profondément pénétrés pour aimer mieux avouer une faute que de la dissimuler par un mensonge, pour se refuser à une indélicatesse ou à un passe-droit en leur faveur ?.Vous avez flétri l'égoïsme et fait l'éloge du dévouement : ont-ils, le moment d'après, abandonné un camarade en péril pour ne songer qu'à eux-mêmes ? Votre leçon est à recommencer. Et que ces rechutes ne vous découragent pas ! Ce n'est pas l'œuvre d'un jour de former ou de déformer une âme libre. Il y faut beaucoup de leçons sans doute, des lectures, des maximes écrites, copiées, lues et relues : mais il y faut surtout des exercices pratiques, des efforts, des actes, des habitudes. Les enfants ont, en morale, un apprentissage à faire, absolument comme pour la lecture ou le calcul. L'enfant qui sait reconnaître et assembler les lettres ne sait pas encore lire ; celui qui sait les tracer l'une après l'autre ne sait pas écrire. Que manque-t-il à l'un ou à l'autre ? La pratique, l'habitude, la facilité, la rapidité et la sûreté de l'exécution. De même, l'enfant qui répète les premiers préceptes d'instinct ; alors seulement, la morale aura passé de son esprit dans son coeur, et elle passera de là dans sa vie ; il ne pourra plus la désapprendre.
De ce caractère tout pratique de l'éducation morale à l'école primaire, il me semble facile de tirer les règles qui doivent vous guider dans le choix de vos moyens d'enseignement.
Une seule méthode vous permettra d'obtenir les résultats que nous souhaitons. C'est celle que le Conseil supérieur vous a recommandée : peu de formules, peu d'abstractions, beaucoup d'exemples et surtout d'exemples pris sur le vif de la réalité.
Ces leçons veulent un autre ton, une autre allure que tout le reste de la classe, je ne sais quoi de plus personnel de plus infime, de plus grave. Ce n'est pas le livre qui parle, ce n'est même plus le fonctionnaire ; c'est pour ainsi dire le père de famille, dans toute la sincérité de sa conviction et de son sentiment.
Est-ce à dire qu'on puisse vous demander de vous répandre en une sorte d'improvisation perpétuelle sans aliment et sans appui du dehors ? Personne n'y a songé et, bien loin de vous manquer, les secours extérieurs qui vous sont offerts ne peuvent vous embarrasser que par leur richesse et leur diversité. Des philosophes et des publicistes,
dont quelques-uns comptent parmi les plus autorisés de notre temps et de notre pays, ont tenu à honneur de se faire vos collaborateurs : ils ont mis à votre disposition ce que leur doctrine a de plus pur et de plus élevé. Depuis quelques mois, nous voyons grossir presque de semaine en semaine le nombre des manuels d'instruction morale et civique. Rien ne prouve mieux le prix que l'opinion publique attache à l'établissement d'une forte culture morale par l'école primaire. L'enseignement laïque de la morale n'est donc estimé ni impossible ni inutile puisque la mesure décrétée par le législateur a éveillé aussitôt un si puissant écho dans le pays. C'est ici cependant qu'il importe de distinguer de plus près entre l'essentiel et l'accessoire, entre l'enseignement moral qui est obligatoire et les moyens d'enseignement qui ne le sont pas. Si quelques personnes peu au courant de la pédagogie moderne ont pu croire que nos livres scolaires d'instruction morale et civique allaient être une sorte de catéchisme nouveau, c'est là une erreur que ni vous ni vos collègues n'avez pu commettre. Vous savez trop bien que sous le régime de libre examen et de libre concurrence qui est le droit commun en matière de librairie classique, aucun livre ne vous arrive imposé par l'autorité universitaire.
Comme tous les ouvrages que vous employez et plus encore que tous les autres, le livre de morale est entre vos mains un auxiliaire et rien de plus, un instrument dont vous vous servez sans vous y asservir..Les familles se méprendraient sur le caractère de votre enseignement moral si elles pouvaient croire qu'il réside surtout dans l'usage exclusif d'un livre même excellent.
C'est à vous de mettre la vérité morale à la portée de toutes les intelligences, même de celles qui n'auraient pour suivre vos leçons le secours d'aucun manuel ; et ce sera le cas tout d'abord dans le cours élémentaire. Avec de tous jeunes enfants qui commencent seulement à lire, un manuel spécial de morale et d'instruction civique serait manifestement inutile. À ce premier degré, le Conseil supérieur vous recommande, de préférence à l'étude prématurée d'un traité quelconque, ces causeries familières dans la forme, substantielles au fond, ces explications à la suite des lectures et des leçons diverses, ces mille prétextes que vous offrent la classe et la vie de tous les jours pour exercer le sens moral de l'enfant.
Dans le cours moyen le manuel n'est autre chose qu'un livre de lecture qui s'ajoute à ceux que vous connaissez déjà. Là encore, le Conseil, loin de vous prescrire un enchaînement rigoureux de doctrines, a tenu à vous laisser libre de varier vos procédés d'enseignement : le livre n'intervient que pour vous fournir un choix tout fait de bons exemples, de sages maximes et de récits qui mettent la morale en action.
Enfin, dans le cours supérieur, le livre devient surtout un utile moyen de réviser, de fixer et de coordonner : c'est comme le recueil méthodique des principales idées qui doivent se graver dans l'esprit du jeune homme.
Mais, vous le voyez, à ces trois degrés ce qui importe, ce n'est pas l'action du livre, c'est la vôtre ; il ne faudrait pas que le livre vînt, en quelque sorte, s'interposer entre vos élèves et vous, refroidir votre parole, en émousser l'impression sur l'âme des élèves, vous réduire au rôle de simple répétiteur de la morale. Le livre est fait pour vous, et non vous pour le livre. Il est votre conseiller et votre guide, mais c'est vous qui devez rester le guide et le conseiller par excellence de vos élèves.
Pour vous donner tous les moyens de nourrir votre enseignement personnel de la substance des meilleurs ouvrages, sans que le hasard des circonstances vous entraîne exclusivement à tel ou tel manuel, je vous envoie la liste complète des traités d'instruction morale ou d'instruction civique qui ont été, cette année adoptés par les instiuteurs dans les diverses académies ; la bibliothèque pédagogique du chef-lieu du canton les recevra du ministère, si elle ne les possède déjà et les mettra à votre disposition.
Cet examen fait, vous restez libre ou de prendre un de ses ouvrages pour en faire un des livres de lecture habituelle de la classe ; ou bien d'en employer concurremment plusieurs, tous pris, bien entendu, dans la liste générale ci-incluse ; ou bien encore vous pouvez vous réserver de choisir, vous-même, dans différents auteurs des extraits destinés à être lus, dictés, appris. Il est juste que vous ayez à cet égard autant de liberté que vous avez de responsabilité. Mais, quelque solution que vous préfériez, je ne saurais trop vous le redire, faites toujours bien comprendre que vous mettez votre amour-propre ou plutôt votre honneur, non pas à adopter tel ou tel livre, mais à faire pénétrer profondément dans les générations l'enseignement pratique des bonnes règles et des bons sentiments.
Il dépend de vous, Monsieur, j'en ai la certitude, de hâter par votre manière d'agir le moment où cet enseignement sera partout non seulement accepté mais apprécié, honoré, aimé comme il mérite de l'être. Les populations mêmes dont on a cherché à exciter les inquiétudes ne résisteront pas longtemps à l'expérience qui se fera sous leurs yeux. Quand elles vous auront vu à l'oeuvre, quand elles reconnaîtront que vous n'avez d'autre arrière-pensée que de leur rendre leurs enfants plus instruits et meilleurs, quand elles remarqueront que vos leçons de morale commencent à produire de l'effet, que leurs enfants rapportent de votre classe de meilleures habitudes, des manières plus douces et plus respectueuses, plus de droiture, plus d'obéissance, plus de goût pour le travail, plus de soumission au devoir, enfin tous les signes d'une incessante amélioration morale, alors la cause de l'école laïque sera gagnée : le bon sens du père et le cœur de la mère ne s'y tromperont pas, et ils n'auront pas besoin qu'on leur apprenne ce qu'ils vous doivent d'estime, de confiance et de gratitude.
J'ai essayé de vous donner, Monsieur, une idée aussi précise que possible d'une partie de votre tâche qui est, à certains égards, nouvelle, qui de toutes est la plus délicate ; permettez-moi d'ajouter que c'est aussi celle qui vous laissera les plus intimes et les plus durables satisfactions. Je serais heureux si j'avais contribué par cette lettre à vous montrer toute l'importance qu'y attache le gouvernement de la République, et si je vous avais décidé à redoubler d'efforts pour préparer à notre pays une génération de bons citoyens.
Recevez, Monsieur l'Instituteur, l'expression de ma considération distinguée.
_______________________
Certes, je vois mal un brave professeur des écoles, dans une zone défavorisée, inscrire au tableau que l'homme doit respecter la femme sans se faite traiter de "bouffon"! Mais, je retiens de cette lettre le ton avec lequel ce ministre s'adressait à ses instituteurs. Je retiens cette magnifique leçon de langue française et de grammaire, de style et de forme. Aujourd'hui, ce serait plutôt, "Si t'es pas d'accord avec mes réformes débiles, casse-toi pauv' con!" ou encore "Fous-moi la paix, je suis en train d'étudier la énième modification des programmes et tant pis si tes élèves n'auront pas de manuel à la rentrée, faute de crédits. Tu leur feras des photocopies!".

mardi 1 mars 2011

Sarkozy fait l'autruche

Je suis stupéfait de la manière dont Nicolas Sarkozy a traité les français dimanche soir, lors de son allocution télévisée. Vraiment stupéfait! Je crois être resté silencieux quelques instants, incrédule. Comment un homme, sensé représenter la population de tout un pays, pouvait-il tenter de nous manipuler aussi maladroitement?
Qui pensait-il leurrer?
Il me fait penser à un enfant qui se cache derrière ses doigts ouverts ou à l'autruche qui met la tête dans un trou!
Navrant!

 

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